Les Pays-Bas traversent une deuxième polémique littéraire en quelques semaines. Après celle qui a touché Marieke Lucas Rijneveld, traductrice et romancière désireuse de traduire les poèmes de l’afro-américaine Amanda Gorman, mais jugée trop blanche pour l’exercice, c’est à présent Lale Gül qui fait la une des journaux chez nos voisins hollandais.
L’agence Belga rapporte que la police néerlandaise aurait arrêté le 1er avril dernier un adolescent belge d’à peine 15 ans pour avoir menacé en ligne l’écrivaine turco-néerlandaise Lale Gül. Agée de 24 ans, la romancière qui vit à Amsterdam est au centre d’une vive polémique depuis la sortie de son premier roman « Ik ga leven ». Harcèlement en ligne, menaces, intimidations et insultes (de traitresse notamment), rien ne lui a été épargné.
« Je vais vivre »
Comme une ode à la liberté, à la réappropriation de son corps et de sa vie, la jeune femme s’attache là à une prérogative qui ne se conçoit pas dans sa communauté établie dans la partie ouest d’Amsterdam. Dans les années 1960, nombreux travailleurs marocains s’y installent avec leurs familles suivis par une vague de migration turque venue rejoindre d’autres comme celle du Surinam notamment. Lale Gül grandit dans ce quartier défavorisé peuplé de musulmans et de chrétiens des Antilles.
Dans ce premier roman polémique, la jeune femme critique avec virulence le milieu dans lequel elle a grandi. Même si son personnage est fictif, il est très ouvertement autobiographique ce qui a suscité colère et animosité parmi les siens. Lale décrit une éducation rigide, douloureuse et islamo-conservatrice dans cette partie d’Amsterdam où sa famille vit toujours. Elle évoque les traditions, les pressions, les intimidations dont sont victimes les filles dans un contexte traditionnel et islamique profondément ancré. Petite, dit-elle, elle se rend à l’école coranique où on lui dit quoi manger, comment se tenir… il ne lui vient pas à l’idée de remettre en question l’éducation qu’elle reçoit. Elle ne connaît que sa culture et n’a qu’une idée très vague de celle du pays où elle vit. Adolescente, elle découvre les bibliothèques et apprend à aimer la langue et la culture néerlandaise. Elle entame des études de lettres puis se découvre athée à l’âge de dix-neuf ans. Ses parents l’apprendront à la publication de son livre.
Un roman à succès, mais un prix à payer.
Aujourd’hui, Lale a quitté ses parents pour vivre dans un quartier tenu secret. Le roman « Ik ga leven » est un best-seller chez nos voisins, il est placé numéro 1 des ventes. Instrumentalisée par les mouvements islamistes, Lale Gül est devenue la cible des réseaux sociaux : elle reçoit des centaines de messages où insultes et menaces de mort sont proférées. Des images d’armes ou de têtes de mort pour avoir « osé » dénoncer la condition des femmes dans cette communauté ultra-conservatrice. Le harcèlement est aussi subi par ses proches, quand ce ne sont pas ses proches eux-mêmes qui la persécutent.
Dans un entretien qu’elle a accordé au magazine Flair[1] Lale Gül dira : « La communauté islamique est furieuse. Ils me voient comme quelqu’un qui hait l’islam, qui se prête au racisme et fait le jeu de la droite hollandaise. Ils me voient comme le diable qui cherche à séduire leurs filles afin qu’elles choisissent le mal. […] L’amour de mes parents n’était pas inconditionnel. Ils m’ont fait du chantage : me choisir un mari, m’exclure de la famille, m’imposer un boycott social. Ils m’aimaient tant que je faisais ce qu’ils voulaient. Selon le Coran, les parents sont responsables des actions de leurs enfants. Si je fais des erreurs, j’irai en enfer, mais eux aussi. […] Pour l’heure, l’auteure annonce travailler à la suite de son roman.
[1] 17 mars 2021 n° 11
cela ne m etonne pas du tout de tous ces fanatiques islamistes, qui sont tres dangeureux pour tout le monde et surtout pour les femmes
Puisse cette jeune femme trouver le bonheur et la liberté loin de la haine de son ancienne communauté. Bravo à son courage ! Des exemples comme le sien, il en faudrait des milliers pour briser les chaines de toutes les petites filles !
J’attends avec impatience la traduction en France de son roman.
J’aimerais beaucoup lire ce livre. A-t-il été traduit?
Bonjour Claire, non le livre n’est pas encore traduit en français. Mais son succès est tel aux Pays-Bas qu’il risque de l’être prochainement. DivereCite.be ne manquera pas d’en informer ses lecteurs lorsque cela sera la cas.