A Los Angeles, un lycée soutenu par George Clooney tente de diversifier le visage d’Hollywood

Musique, angles de prises de vue, caractère des personnages: à seulement 14 ans, Ja’saray Juarez décortique déjà avec ses camarades la recette d’une publicité réussie, pour bientôt produire son propre spot à diffuser en cours.

D’ici quelques années, cette élève de troisième espère bien gagner sa place derrière la caméra, grâce à un cursus lancé par un lycée public de Los Angeles et soutenu par l’acteur George Clooney pour former des centaines de jeunes défavorisés aux métiers d’Hollywood.

« Je suis tellement contente d’apprendre à faire des films (…) comment produire un script, comment écrire des dialogues », confie à l’AFP l’adolescente, dans sa classe remplie d’affiches de cinéma, de claps et d’une chaise de réalisateur.

Son établissement scolaire, le « Roybal Learning Center », compte 90% d’élèves latino-américains, souvent issus de familles modestes. Pour eux, Hollywood et son boulevard parsemé d’étoiles, situé à seulement quelques kilomètres de là, reste un univers difficilement accessible.

Mais depuis septembre, ce collège-lycée a lancé une formation spécialisée allant de la troisième à la terminale, grâce à un gros coup de pouce de la star d' »Ocean’s Eleven ». George Clooney a rassemblé d’autres acteurs, comme Eva Longoria ou Don Cheadle, et plusieurs studios, dont Warner Bros, Paramount et Disney, pour aider à financer ce projet.

« Commencer tôt »

Objectif: s’attaquer aux racines du manque d’inclusivité du cinéma américain, souvent critiqué lors des Oscars.

Pour régler le problème, « il faut commencer tôt », a estimé l’acteur dans un communiqué. « Il faut créer des programmes de lycée qui enseignent aux jeunes le maniement des caméras, le montage, les effets visuels, le son et toutes les possibilités de carrière que cette industrie a à offrir. »

Coloriste, costumière, technicien en lumière… Dans la classe de Ja’saray, des affiches recensant 80 métiers du cinéma rappellent aux élèves toutes les opportunités existantes.

« Je n’avais absolument aucune idée qu’il y en avait autant, je pensais juste au réalisateur et aux acteurs« , souffle la jeune fille, qui envisageait initialement de travailler dans l’animation mais songe désormais à devenir scénariste. « Cela m’a ouvert les yeux. »

Le secteur compte « 65.000 emplois techniques aux Etats-Unis », largement méconnus, a insisté George Clooney lors du lancement du curriculum en septembre.

Depuis qu’Hollywood a réalisé son manque d’inclusivité avec la polémique #OscarsSoWhite en 2015, la représentation des minorités à l’écran est scrutée de près.

L’Académie qui décerne les précieuses statuettes a diversifié ses votants et le palmarès s’en ressent. Cette année, 11 nominations pour le film « Everything Everywhere All At Once », une comédie au casting majoritairement asiatique est un symbole de progrès.

Mais derrière la caméra, les équipes restent largement monocolores. Monopolisés par les syndicats, ces emplois bien payés sont quasiment inaccessibles sans réseau.

– Stages professionnels –

« Il y a un vrai problème de diversité, surtout dans les équipes de tournage », témoigne Brittany Hilgers, qui enseigne les bases du cinéma aux élèves, après 12 ans passés dans l’industrie comme scénariste.

Dans l’une des rares études sur le sujet, l’école de communication et de journalisme Annenberg de l’université de Californie du Sud a décortiqué les crédits de 300 films entre 2016 et 2018. Résultat, 80% des monteurs étaient des hommes blancs, et seulement 14% des costumières appartenaient à des minorités.

Pour corriger le tir, le lycée compte sur syndicats et studios partenaires pour offrir des stages aux élèves, voire des embauches. Après une année généraliste, ils se spécialisent progressivement.

« Les jeunes qui vont vouloir faire du montage vont apprendre sur le vrai logiciel qu’utilisent les professionnels de l’industrie », détaille Mme Hilgers, en insistant sur l’employabilité des futurs diplômés.

Pour un secteur en mal de nouveaux visages, « c’est important d’investir maintenant et de ne pas attendre qu’ils arrivent à l’université, car en vérité, tous les élèves ne parviennent pas jusque-là », souligne la principale, Blanca Cruz.

« J’ai le sentiment qu’on a une longueur d’avance », se réjouit David Flores. Issu d’une famille de travailleurs sociaux, cet élève de première sait désormais utiliser un micro perche et un logiciel de montage.

Mais au-delà de la technique, « cette école m’a appris à me faire un réseau, c’est très important« , souligne le jeune homme, qui ne savait pas trop comment devenir monteur. « Maintenant (…) Je vois un chemin pour moi. »

Si le programme s’avère concluant, le district scolaire de Los Angeles espère le répliquer dans d’autres écoles. George Clooney, lui, rêve déjà de l’exporter à New York, Chicago ou Atlanta.

 

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