« OSS 117, Alerte rouge en Afrique noire » Jean Dujardin exquis en espion décalé et colonialiste

Réalisé par Nicolas Bedos, qui reprend la main à Michel Hazanavicius qui a écrit et réalisé les deux premiers volets, « Alerte rouge en Afrique noire » tient ses promesses: celles d’une comédie légère et décalée.

Si les deux premiers films de la série « OSS 117 : Le Caire, nid d’espions » et « OSS 117 : Rio ne répond plus » trouvaient leurs charmes dans la contextualisation très années 1940 pour le premier et 1960 pour le second, ce troisième de la série, dont l’action se déroule en 1981, perd un peu de sa saveur et de sa candeur. Il faut dire que l’espion français y est vieillissant et perd la spontanéité qui était la sienne par le passé au détriment d’un nouvel agent, jeune et moderne, l’agent 1001 joué par Pierre Nimey.

Mais OSS 117, avant de devenir un film, c’est d’abord un livre.

Roman d’espionnage écrit par un auteur français, Jean Bruce, en 1949. Jean Bruce est en réalité un pseudonyme, son vrai nom est Jean Alexandre Brochet. L’auteur des OSS 117 en écrira quatre-vingt. Après sa mort accidentelle en 1963, il n’a alors que 42 ans, c’est Josette Bruce, sa femme, qui prend la plume. Elle redonne vie à l’agent secret, trois ans après la disparation de son créateur. Plus tard, ce seront leurs enfants, Martine et François Bruce, qui imagineront des aventures pour Hubert Bonisseur de La Bath. En tout, et jusqu’en1992, ce ne seront pas moins de 264 histoires qui seront écrites et traduites  en 17 langues, dans 21 pays et vendus à 75 millions d’exemplaires.

Qui est l’agent OSS 117

L’histoire imaginée par Jean Bruce est celle d’un agent américain d’origine française, Hubert Bonisseur de La Bath. Agent secret pour l’Office of Strategic Services (OSS), une agence américaine qui a réellement existé, créée en 1942 avant d’être remplacée par la CIA. Sur grand écran, le personnage est à fois raciste, misogyne, homophobe, réactionnaire, méprisant, arrogant mais le jeu qu’offre Jean Dujardin le rend profondément sympathique. L’acteur en fait un homme victime de ses sombres penchants, n’assumant pas ses travers misanthropes.

Si déjà lors des deux films précédents la France coloniale et paternaliste s’incarnent avec brio, à la fois dans le jeu des comédiens que dans l’écriture du scénario, ce troisième volet appuie plus encore sur ce travers toujours au corps des anciens colonisateurs. Dès les premières minutes, on assiste à un échange savoureux entre l’agent secret et son supérieur qui compte l’envoyer en mission dans un pays que l’on nomme pas, dans le but de soutenir le dictateur en place (ou placé) aux prises avec des rebelles.  « Que savez-vous de l’Afrique ? », lui demande son patron. « Les Africains sont joyeux, sympathiques, rigolards, ils dansent bien, mais ils ne sont pas soigneux… », répond OSS 117. Et son supérieur de lui  rétorquer « Vous savez l’essentiel !».

Racisme et préjugé.

Difficile, ces dernières années, de faire de l’humour sur les minorités sans être accusé de racisme.  Michel Hazanavicius, le réalisateur des deux premiers films, a beaucoup hésité puis a vu le scénario confié à Nicolas Bedos pour en assurer la réalisation. Michel Hazanavicius doit son hésitation à son observation de la France d’aujourd’hui, crispée sur la question du traitement des minorités au cinéma. Pour lui, il aurait fallu revoir la genèse même de la série.

Mais le film est drôle et son intelligence, dans le traitement, est que l’ironie ne cible pas uniquement l’Afrique et les Africains mais surtout la Françafrique. Dans les années 1970, avec l’affaire des diamants de Bokassa notamment (évoquée avec humour dans une scène), le film nous rappelle l’absurdité, de quelques hommes politiques de l’époque, qui ne pouvaient s’empêcher cet interventionnisme à outrance envers les pays africains.

En février dernier la  réalisatrice, comédienne, sociologue et afroféministe Amandine Gay écrivait à propos du film sur son compte Twitter: « Garanti 100 % humour franchouillard, sans additif de décence. On nous expliquera ensuite avec force condescendance que c’est à prendre au 23e degré. Et les fils à papa blancs continueront à capitaliser sur nos dos. Le racisme ça rapporte encore gros, en particulier dans l’industrie cinématographique française. »

OSS 117 reste une comédie savoureuse à prendre réellement au 23e degré.

 

 

 

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