Le 30 juillet dernier, le journal le Soir faisait le portrait de quatre femmes politiques belges qui ont choisi d’arrêter leur carrière politique alors qu’elles sont encore à la fleur de l’âge. Valérie Van Peel, membre de la N-VA, Meryame Kitir, élue de Vooruit, Catherine Fonck, pour les Engagé(e)s et Joëlle Kapompole, du Parti Socialiste. Brillantes, impliquées dans leurs engagements depuis des années, elles se disent lassées ou dans l’envie de passer à autre chose. Le Soir souligne également qu’il y a quelques semaines, trois autres femmes (Sarah Schlitz, Eva De Bleeker et Gwendolyn Rutten) ont affirmé de leur côté « à quel point la politique était un monde cruel pour les femmes ».
La politique est-elle une affaire d’hommes ? Que faut-il laisser sur l’autel de la féminité pour embrasser une carrière dans les arcanes du pouvoir ? On se souvient de Rachida Dati qui reprend son travail de ministre de la Justice cinq jours seulement après son accouchement en janvier 2009 ou encore de Joëlle Milquet qui, en 2002, et alors qu’elle est la Présidente du CDH en pleine mutation, donne naissance à son quatrième enfant, mais reste en première ligne dans les grandes décisions qui touchent le pays.
Faire de la politique quand on est une femme, c’est prendre le risque d’une critique plus acerbe et d’une tolérance zéro lorsqu’on faillit. Pourquoi ? Sans doute parce que perdure sournoisement cette idée qu’une femme dans un métier initialement masculin est un privilège accordé et non un droit gagné.
Nancy Huston, dans un ouvrage qu’elle consacrait à la place des femmes écrivains dans le paysage littéraire mondial, affirmait que pour les hommes, écrire était une évidence alors que pour les femmes c’était un combat à mener, et certainement après tous ceux que sa condition de femme exige, comme les soins à apporter aux enfants ou l’attention à accorder à son mari.
D’Alexandra Kollontaï, commissaire du peuple à l’Assistance publique (ministre des Affaires sociales) en Russie entre 1917 et 1918, première femme ministre d’un gouvernement dans l’histoire, en passant par Golda Meir, Indira Gandhi, Benazir Bhutto, Margaret Thatcher, Ingrid Betancourt ou encore, plus près de chez nous, Sophie Wilmès en Belgique et Elisabeth Borne en France, le choix de faire de la politique c’est aussi celui de mettre sa vie personnelle entre parenthèses, quand il ne s’agit pas de la mettre en danger.
L’assassinat de quelques-unes d’entre elles en est la preuve. La mort d’hommes de pouvoir émaille l’histoire mais parfois, le statut de femmes capitaines de la nation ou à la tête d’un ministère régalien, exacerbe la haine et la jalousie. Pendant la pandémie du Covid 19, la Première ministre belge Sophie Wilmès a gagné une popularité énorme. A la fois ferme et rassurante, rigoureuse et conciliante la nation a vu en elle une « mère » protectrice et vaillante.
Conjuguer féminité et carrière politique c’est aussi l’un des aspects auquel une femme en politique se doit d’être attentive. Florilèges : les critiques sur les choix vestimentaires de Margaret Tacher, la coupe de cheveux de Hillary Clinton, les tailleurs hommasses d’Angela Merkel, la couleur de cheveux de Dominique Voynet ou encore les sifflets et les huées dont a été victime Cécile Duflot (ministre du Logement et de l’Égalité des territoires en France en 2012), de la part de la droite alors qu’elle descendait en robe à fleurs les marches de l’hémicycle pour répondre au micro à une question parlementaire. Trop grosses, trop minces, trop ridées, trop vieilles… des critiques auxquelles les hommes échappent.
Toujours en France, Elisabeth Guigou, première femme à avoir été nommée ministre de la Justice entre 1997 et 2000, affirmait dans un entretien il y a quelques années avoir eu très souvent le sentiment d’être plus souvent «regardée» qu« écoutée » lorsqu’elle prenait la parole devant ses collègues masculins. Plus récemment, alors qu’elle était elle aussi ministre de la Justice sous François Hollande, Christiane Taubira a essuyé de nombreuses insultes racistes et sexistes. Dénigrée et comparée à un singe, photo à l’appui par… une autre femme, Anne Sophie Leclère, candidate du Front National.
Sandrine Rousseau, députée française, publiait en 2015 un ouvrage « Manuel de survie à destination des femmes en politique » aux éditions Les Petits Matins. Elle y affirmait que «les femmes politiques ont des voix agaçantes, c’est bien connu. Qu’on les dise enthousiastes, aigries ou hystériques, le fait est qu’elles ne contrôlent pas leurs émotions. On remarque leurs tenues trop sévères ou trop féminines, on se demande bien qui va garder les enfants. »
Ségolène Royal, candidate malheureuse lors des élections présidentielles de 2007 face à Nicolas Sarkozy, avouait à nos collègues de Radio-Canada que « depuis près de 40 ans les hommes en politique se solidarisent souvent pour attaquer les femmes en position de pouvoir ». Ceux attentifs à la politique française n’ont certainement pas oublié que ses rivaux aux élections primaires au sein du PS ont toujours refusé de l’appuyer après sa nomination. « Son mari de l’époque, François Hollande, ne l’a pas soutenue non plus. Le couple a annoncé son divorce le soir de l’élection.» Cinq ans plus tard, François Hollande deviendra président succédant ainsi à Nicolas Sarkozy.