Geneviève Lhermitte : L’instinct maternel existe-t-il ?

Lors de la semaine qui vient de s’écouler, une actualité nous a replongés dans notre douloureux passé collectif, la mort de cinq enfants : Yasmine, Nora, Myriam, Mina et Mehdi âgés de 3 à 14 ans, assommé puis tué par leur mère. Nous sommes alors le 28 février 2007, dans la ville de Nivelles, à une trentaine de kilomètres au sud de Bruxelles. Condamnée un an plus tard à la réclusion à perpétuité, c’est 16 ans plus tard, jour pour jour, que Geneviève Lhermitte sera euthanasiée pour cause de « souffrances psychologiques graves ».

Depuis des siècles, l’amour maternel et l’instinct maternel se vivent, se confondent, suscitent doutes et questionnement autant aux mères qu’aux scientifiques. Aimer, c’est veiller, protéger, œuvrer pour le bien-être de l’objet de cet amour. Mais aimer c’est aussi être confronté à une émotion si envahissante que pour certain(e)s, elle en devient destructrice. Quand on aime, on se soumet, on devient vulnérable. Comment ce petit être issu de soi, le bébé, inconnu il y a quelques mois encore peut-il à ce point nous placer en état de faiblesse ? Les émotions humaines sont si complexes.

Une mère infanticide est-elle dépourvue de l’instinct maternel ?  Geneviève Lhermitte, le mercredi 28 février 2007 dans sa maison à Nivelles, installée dans la salle de bain, appelle un à un ses cinq enfants avant de les égorger avec un couteau de cuisine. Dans un article de presse publié le 8 décembre 2008 dans le journal le Soir, les psychiatres décrivent son acte de la manière suivante : « Au moment où elle donne la mort à ses enfants, Geneviève Lhermitte vit ce quintuple meurtre comme une sorte de suicide de l’ensemble monolithique meurtrier, il n’en reste pas moins que dans l’esprit de Geneviève Lhermitte elle a agi pour le bien de ses enfants ».

Dans un courrier qu’elle adresse à son psychiatre la veille du drame, elle écrit : « J’ai des idées noires, ce sont des idées suicidaires qui vont m’entraîner et je vais prendre mes enfants avec moi. C’est un combat de tous les jours. (…) Il n’y a pas de solution à mon problème. Je me sens emmurée. Je me sens prisonnière. ». Une femme complètement investie dans sa tâche de mère ne peut envisager de s’échapper sans emporter ses enfants avec elle. Une mère très dépressive dont le raisonnement est gravement altéré n’en reste pas moins une femme avec une pléthore de sentiments aussi douloureux qu’incontrôlables.

Évidemment, le cas de Geneviève Lhermitte est très complexe. Je ne suis pas psychiatre et n’émets ici qu’un avis personnel. Dans la complexité de cette affaire, dans sa gravité et le gouffre d’incompréhension dans lequel l’opinion publique s’est retrouvée, je reste convaincue que, malgré le désarroi sans nom qui la conduisit à cette issue extrême, elle aimait ses enfants et avait à leur égard  un instinct maternel, certes insensé, mais réel.

En mettant fin à leur vie, peut-être avait-elle agi avec une haute estime de sa fonction de mère. En les tuant, peut-être avait-elle songé que c’était la seule manière de se les « réapproprier » ou de supprimer  ce qui  un jour la plongea dans un tel état de faiblesse et de dépendance.

Malgré l’amour et la sacralisation de sa fonction  de mère, il ne lui était plus possible d’être simplement « elle » sans « eux ». Geneviève Lhermitte était mère et pour supprimer la mère il faut dès lors commencer par supprimer les enfants.

L’amour maternel, l’instinct maternel jusqu’à la psychopathologie. Une mère profondément dépressive dont le raisonnement est gravement altéré, est-elle plus habitée que les autres par l’instinct maternel ? Une sorte d’exacerbation des sentiments que fomente la maladie mentale.

Geneviève Lhermitte s’est rêvée mère idéale et désirant le meilleur pour ses enfants. Ce jour-là, dans sa démence, le meilleur pour eux n’était plus la vie, mais la mort.

Cela me rappelle l’histoire de Médée, fille d’un roi dans la mythologie grecque, connue pour avoir assassiné ses enfants et cela dans « leur intérêt ». Refusant de les voir soumis aux lois inexorables de la cité (elle sait que si Jason, leur père, se remarie, leurs enfants seront persécutés, assujettis, dépossédés), elle préfère les savoir morts plutôt qu’esclaves. Elle ne favorisera donc pas leur survie à n’importe quel prix.

 

 

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