A 76 ans, Germaine Acogny danseuse franco-sénégalaise a remporté le 16 février dernier le prestigieux Lion d’Or à Venise. Douée et brillante, l’artiste aura connu, en plus de 50 ans de carrière, un parcours singulier et inspirant pour des milliers de danseurs à travers le monde. En 2014, elle est d’ailleurs classée parmi les 50 personnalités africaines les plus influentes dans le monde selon le magazine Jeune Afrique.
Retour sur un parcours atypique
Née au Bénin, son père est Togoun Servais Acogny,(fonctionnaire colonial mais aussi auteur des Récits d’Aloopho, dont elle se servira dans l’un de ses spectacles). Elle crée dès 1968 un studio de danse à Dakar puis entre 1977 et 1982, elle dirige Mudra Afrique, créé par Maurice Béjart et le président Léopold Sédar Senghor à Dakar. Après la fermeture de Mudra Afrique, elle enseigne à L’Isle-Jourdain, à quelques kilomètres de Toulouse, puis elle s’installe à Bruxelles avec la compagnie de Maurice Béjart. Avec celui qui la surnommera « sa fille noire spirituelle » elle organise des stages internationaux de danse africaine qui deviennent de grands succès auprès d’un public à l’image de la capitale belge : multiculturel. En 1985, elle retourne à Toulouse et fonde avec son mari Helmut Vogt le « studio-école ballet-théâtre du 3e monde ».
Les années 1990 seront celles où Germaine Acogny décide de retourner au Sénégal. Elle y crée en 1998 l’association Jant-Bi / l’École des Sables. Sa volonté d’inscrire ses talents en Afrique ne l’empêche pas de mener des projets en Europe et, en 1997, elle est nommée directrice artistique de la section danse d’Afrique en Création à Paris. Elle y est active en organisant des rencontres chorégraphiques de danse africaine contemporaine jusqu’en septembre 2000.
En 2004, retour au Sénégal pour y fonder un centre international de danses traditionnelles et contemporaines d’Afrique nommé « École des sables ». En 2010, ce centre rencontra des difficultés lorsque l’un de ses soutiens financiers (50% du budget annuel) , la fondation néerlandaise Doen, ne sera plus en mesure de maintenir son aide.
« Mère de la danse africaine contemporaine »
En 2018, la directrice artistique américaine Kristy Edmunds dira de Germaine Acogny : « Quand vous la voyez sur scène à l’âge de 74 ans, en plein vol, en pleine rage et puissance, vous réalisez que la vie d’un danseur ne s’arrête jamais ».
A 76 ans, Germaine continue de danser et de faire vibrer les scènes de spectacle. Elle dirige encore régulièrement et avec passion des formations proposées par l’École des sables. La Biennale de Venise lui décerne donc le Lion d’or de la danse 2021, réservé aux danseuses les plus influentes au monde. Dans un communiqué, l’institution italienne précise que « Sa contribution à la formation en danse et en chorégraphie des jeunes d’Afrique occidentale et la large diffusion de son travail dans son pays d’origine et dans le monde ont fait d’elle l’une des voix indépendantes qui ont le plus influé sur l’art de la danse. »
Germaine Acogny a déjà reçu de nombreuses distinctions, notamment celle de Chevalier des Arts et des Lettres. Femme libre et déterminée elle se sera emparée, avec sa compagnie JANT-BI, de tous les sujets tabous de son époque ; la sexualité, la religion, la colonisation.