
Réduire au silence un artiste à la fleur de l’âge, suscite toujours un sentiment de colère. Lorsque la vie vous gratifie du don de l’art, quel qu’il soit, elle vous l’offre pour en faire bénéficier vos semblables humains de la manière la plus large comme de la façon la plus intime. Partir avant, priver l’artiste du temps de vie qui lui est nécessaire pour installer son œuvre, laisse une amertume, au-delà de la tragédie de mourir jeune.
Hiba Abu Nada est morte le 20 octobre dernier, ensevelie sous les gravas de son immeuble bombardé par des tirs de l’armée israélienne. 32 ans à peine et tellement de mots encore à écrire. Tellement d’histoires à raconter. Tellement de vie à vivre. Sa poésie ne nous parviendra jamais, sa sensibilité à jamais tue.
Morte chez elle au sud de la ville de Gaza, elle avait remporté le deuxième prix du Prix de Sharjah pour la créativité arabe en 2016 pour son roman Oxygen is Not for the Dead. Comme la prémonition d’une vie qu’elle sentait peut-être courte. Son dernier tweet est troublant de lucidité : « La nuit de Gaza est sombre sans la lueur des roquettes, calme sans le bruit des bombes, terrifiante sans le confort de la prière, noire à part la lumière des martyrs. Bonne nuit, Gaza. »
Hiba Abu Nada avait étudié à l’Université islamique de Gaza, elle y avait obtenu une licence en biochimie avant de poursuivre une maîtrise en nutrition clinique de l’Université Al-Azhar toujours à Gaza. Elle est née en Arabie Saoudite en juin 1991 mais c’est à Khan Younès qu’elle vivait et où elle a trouvé la mort. Cette ville au sud de la bande de Gaza compte des dizaines de camps dont le plus important est celui d’Al Amal qui héberge les réfugiés de la guerre israélo-arabe de 1948. Aujourd’hui, il est massivement bombardé par Tsahal et c’est lors de ces intensives frappes aériennes le 20 octobre dernier que l’écrivaine a trouvé la mort.
Son dernier message…
Anthony Anaxagorou, poète anglais, affirme sur son compte twitter qu’il a connaissance du dernier message de Hiba :
« Nous nous retrouvons dans un état de bonheur indescriptible au milieu du chaos. Au milieu des ruines, une nouvelle ville émerge, témoignage de notre résilience. Des cris de douleur résonnent dans l’air, se mêlant aux vêtements tachés de sang des médecins. Les enseignants, malgré leurs griefs, embrassent leurs petits élèves, tandis que les familles font preuve d’une force inébranlable face à l’adversité. »