La traversée : le chef d’œuvre en peinture animée de Florence Mailhe

 

Florence Mailhe Copyright : Patrick Zachmann/Magnum Photo

Que ce soit pour fuir la guerre et les persécutions ou fuir une terre devenue trop aride, des populations entières sont prêtes à affronter tous les périls afin de trouver une terre plus hospitalière et pouvoir se construire une autre vie.

La traversée: symbole des migrations à travers l’histoire.

L’histoire se renouvelle sans cesse et les grandes migrations se succèdent : les familles kurdes, syriennes, soudanaises, afghanes sont contraintes de partir et d’errer pour retrouver un lieu de survie. Ce fléau réactive la mémoire familiale de Florence miailhe qui en a fait le sujet de son dernier film « La traversée » un film d’animation à portée universelle.

Quand l’intime rejoint l’universel.

En effet, les arrières grands parents de Florence avaient dû fuir Odessa, en Ukraine. Plus tard, Mireille Goldeck Mailhe, sa propre mère, dû partir sur les routes avec son frère pour rejoindre la zone libre. Peintre, elle a rempli pendant plus de quinze ans des carnets de croquis où figuraient toute la famille de Florence. Ces précieux carnets ont «  nourri » le film et ont été reconstitués pour devenir le carnet de Kyona, petite héroïne du film.

Ainsi toute la mémoire familiale de Florence reste-t-elle gravée , parfaitement intégrée dans ce film imaginaire, volontairement intemporel.

Ces familles qui fuient font en effet partie de l’actualité contemporaine mais la réalisatrice a choisi de ne citer aucun pays ni aucun lieu. Les protagonistes deviennent alors universels, et démontrent  la permanence de ces exils forcés. L’histoire prend alors la forme d’un conte, divisée en plusieurs chapitres qui se réfèrent aux épreuves à affronter sur ce chemin de l’exil.

Ces personnages appartenant à la mémoire collective.

Kyona et son frère Adriel évoquent Hansel et Gretel, mais aussi le petit poucet abandonné par leur parents dans la forêt. Et quand ils sont achetés par un couple, celui-ci est assimilé à un couple d’ogres, dévoreurs d’enfants. Kyona est sauvée  par une vieille Babayaga au milieu de la forêt qui a aussi les attributs d’une sorcière faisant fuir les soldats.

Une vraie prouesse technique : la peinture animée sur plaque de verre.

La technique d’ animation de la réalisatrice est très originale. On la découvre dans le générique de fin : Une caméra est placée sur une table de travail et filme les peintures qui se font sur une table de verre. La peinture se transforme en direct. «Il n’y a pas de recul en arrière possible car chaque peinture est vivante et se modifie sous nos yeux.» précise la réalisatrice. « En réalité, Chaque artiste finit par trouver sa propre méthode de travail. Le principe reste le même, plaqué sur le principe des marionnettes: qu’elles soient de terre, de pâte à modeler ou de papier,  on filme l’image, on intervient sur l’objet puis on filme de nouveau l’image jusqu’à recréer le mouvement. Que ce soit en 3D ou en 2D, en sable ou dans une autre matière, papier carton découpé …»

La France, la République Tchèque et l’Allemagne ont participé à ce travail colossal qui a nécessité plus de 500 décors et une équipe de 15 personnes mobilisées en permanence pendant trois ans, après avoir été «  mûri » pendant quatorze ans. La transmission de la technique représentait un véritable défi : «Comment faire passer aux décoratrices, aux animateurs et aux animatrices, cette technique qui est la traduction  d’une recherche personnelle ? » se demandait la réalisatrice qui avait déjà 8 courts métrages à son actif.

Une première résidence d’écriture en 2006 lui a permis de préciser son projet. La gestation a duré quatre ans entre dessins préparatoires, croquis et scénario. « Il a fallu encore patienter six ans pour boucler la recherche de financement et monter une coproduction tripartite avec  la France, l’Allemagne et la République tchèque et obtenir une aide européenne.
Un long ruban se dépliait sur toute la longueur du mur pour coordonner la palette et le scénario et garder une vision globale du projet, travaillé ensuite séquence par séquence. »

Pour coordonner cette équipe de 15 personnes, il lui a fallu devenir cheffe d’orchestre. Une collaboration fructueuse avec Marie Desplechin co-scénariste du film qui avait déjà collaboré avec la réalisatrice sur 3 des 8 courts métrages précédents : Schéhérazade, Histoire du prince borgne et Conte de quartier.

 


Cette grande complicité a favorisé l’émergence d’un véritable chef d’œuvre, que la réalisatrice, avec beaucoup de générosité et d’humilité, attribue à toute son équipe.
Sa présentation en avant-première a donné lieu à une ovation debout de plus d’un quart d’heure pour ce film qui a obtenu le prix de la créativité de la fondation Gan et s’adresse à un public d’enfants, adultes et adolescents.
Quand on demande à Florence si elle est fière du succès de son film, elle avoue, en toute simplicité « Je suis très émue de voir qu’il touche les gens, qu’on ne s’est pas trompé. Je regrette simplement que ma mère ne soit plus de ce monde, et qu’elle soit partie sans avoir vu ce film qui lui rend hommage. Ce film est dédié à ceux qui ont traversé toutes ces épreuves »

Sortie ce mercredi 29 septembre en France.

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