Le gouvernement fédéral belge va-t-il tomber sur le dossier des sans papiers ?

Hier matin, le vice-premier Ministre socialiste francophone, Pierre-Yves Dermagne, a surpris tout le monde en déclarant que les ministres socialistes du gouvernement fédéral démissionneraient si un décès venait à survenir parmi les grévistes de la faim sans-papiers qui occupent trois lieux à Bruxelles (les deux universités libres francophone et néerlandophone, ULB et VUB, ainsi que l’église du béguinage). Très vite, les écologistes du nord et du sud du pays se sont solidarisés avec cette position.

Comment interpréter ces annonces ? Bluff, fuite en avant ou risque réel d’une rupture de la confiance gouvernementale ?

  1. Comme le rappelle le journaliste Bertrand Henne de la RTBF sur son fil Twitter (@BertrandHenne), cette prise de position n’était pas vouée à être communiquée publiquement. Elle a, semble-t-il, été annoncée au Premier ministre lors d’un conseil des ministres restreint ce dimanche 18 juillet et a ensuite fuité de la réunion du bureau du Parti Socialiste du lundi 19 juillet au matin. Cette position n’est pas sans risque d’un retour de baton. La base du PS, comme celle du PTB (dans l’opposition et très discret sur le dossier), n’est pas hyper-enthousiaste sur les questions de migration. C’est davantage un combat mené par les cadres de ces partis, eux-mêmes sous pression de la mobilisation des associations, des universités, des syndicats, des mutuelles et de certains partenaires sociaux.
  2. Ce dossier isole fortement la gauche francophone (PS et Ecolo) au sein du gouvernement fédéral. En effet, le MR ainsi que la plupart des partis flamands (en ce compris Vooruit, les socialistes flamands) restent attachés à une ligne dure. La grève est présentée comme un chantage face auquel le gouvernement ne peut exprimer aucune faiblesse. Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD) n’a donné aucun signe qu’il s’éloignait de cette position de principe.
  3. Au vu de ce qui précède, la fenêtre d’Overton (principe qui crée un espace politique favorable pour une idée ou une revendication) qui s’est ouverte en juin dernier en faveur d’une régularisation reste étroite et fragile. La perspective d’une régularisation collective est quasi inexistante. En revanche, des régularisations individuelles sur base de l’état de santé ou de perspectives d’emploi, sont devenues envisageables. Le Secrétaire d’état Sammy Mahdi, en désignant un envoyé spécial en la personne du Commissaire général aux Réfugiés et Apatrides, donne un gage dans cette direction. Mais l’ouverture de cette étroite fenêtre d’opportunité pourrait se refermer après le 21 juillet et le début des vacances. Elle est déjà d’une certaine manière éclipsée par les inondations.

Compte tenu des trois éléments exposés ci-dessous, il y a fort à parier que le rapport des forces ne soit pas favorable à la cause des sans-papiers. Le pragmatisme politique reprendra fort probablement le dessus et des solutions négociées individuellement verront certainement le jour à titre de compensation. L’intérêt de l’ensemble des composantes de ce gouvernement est à l’apaisement. Après avoir réussi à surmonter la phase critique du COVID, il est à présent confronté à celle des inondations. Les partenaires du gouvernement ont tous intérêt à faire advenir rapidement un accord sur les sans-papiers, sans-doute à l’abri des regards et entre quatre murs. Reste à espérer qu’aucun incident ne survienne entretemps parmi les grévistes de la faim qui imposerait au PS et à Ecolo-Groen de tenir parole.

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