Malika Akdim, Ava Basiri, Khady Koita, Lailuma Sadid, Nadia Debbas, cinq femmes d’exception se sont réunies le 29 mars dernier pour faire entendre leurs voix au sein du Parlement wallon devant des représentants politiques et des citoyens, dont pas mal d’étudiants venus de Bruxelles et de Wallonie. Au menu des débats: l’excision, les mariages forcés, la répression en Iran, la folie des Talibans, etc. Chacune des intervenantes est venue raconter son histoire ou commenter l’histoire qui s’écrit dans son pays ou celui de ses parents. Les femmes sont partout dans le viseur. Dans certains pays musulmans, elles sont des boucs-émissaires faciles et la cible du patriarcat et de toutes les frustrations.
Assises côte à côte, devant une assemblée attentive et solennelle, chacune des intervenantes invitées par e Parlement wallon a pris un moment pour raconter son histoire. Jamais sans doute cette enceinte n’avait reçu la parole d’autant de femmes aussi profondément marquées par les affres de la vie.
Mutilée dans sa chaire, Khady Koita est digne et raconte l’excision avec une sobriété et une pudeur émouvantes. Mariée de force deux fois, victime de violence familiale et traumatisée sexuellement, Malika Akhdim bouleverse par son énergie et son pouvoir de résilience. Première journaliste afghane à s’être dévoilée à l’antenne d’une chaine de télévision, Lailuma Sadid a été victime de menaces de mort des Talibans qui l’ont conduite à choisir l’exil. Ava Basiri et Nadia Debbas quant à elles ont fait de la cause des femmes victimes du patriarcat et de l’islamisme un combat important dans leur vie de militante.
Organisée par le collectif Laïcité Yallah (en partenariat avec le CAL Namur) et modérée par sa porte-parole Djemila Benhabib, cette table ronde a suscité à la fois l’émotion et de profonds questionnements. A la question posée à Djamila Benhabib sur l’organisation d’une telle l’initiative, la chargée de projet du Centre d’Action Laïque affirme « qu’en libérant leurs paroles, les femmes créent de nouvelles synergies entre elles, élargissent leurs horizons, éveillent les consciences et font progresser l’ensemble de la société et de l’humanité vers la démocratie et la justice ».
Construire des liens entre femmes pour sortir de l’isolement fut un leitmotiv souvent avancé. Si les panélistes osent, prennent la parole, expriment leurs souffrances passées dont les traces sont toujours présentes, c’est aussi pour dire aux autres, n’ayez pas peur ! Dénonçons et travaillons main dans la main dans la sororité pour construire une meilleure société.
« Combattre le racisme, la xénophobie, le communautarisme, les extrémismes, et encourager les femmes de la diversité à prendre la parole et à sortir de leur isolement », nous dit Madame Benhabib. Pour cela quelle parole plus forte que celle de Malika Akhdim ? Elle a fait de la lutte contre les mariages forcés le combat de sa vie en hébergeant des dizaines de jeunes femmes qui ont connu la pression familiale. Quel combat plus digne que celui d’Ava Basiri, dont les parents iraniens ont fui l’Iran dans les années 1980 et qui, bouleversée par la mort de Mahsa Amini, milite pour faire connaitre le combat de la jeunesse iranienne en faveur de la liberté et de la démocratie. Quelle voix publique plus audible que celle de Kady Koita qui, d’origine sénégalaise, fait partie de la première génération de femmes à avoir porté dans l’espace public, d’abord en France puis en Belgique, la question des mutilations sexuelles. Lailuma Sadid a quant à elle beaucoup touché l’assemblée par son témoignage de journaliste en danger dans son pays. Fondatrice de Network of Afghan Diaspora Organisations in Europe, elle œuvre pour la reconnaissance des droits universels des femmes, en particulier du droit des filles à l’accès à l’école en Afghanistan, et propose un soutien à l’insertion professionnelle pour les Afghanes et Afghans exilés en Belgique. Cette initiative est portée en collaboration avec Nadia Debbas qui, en tant que présidente du Comité de soutien des Femmes afghanes du Club L, organise des jumelages entre des femmes issues de la diversité et des femmes belges pour encourager leur insertion professionnelle et leur intégration sociale.
La table ronde s’est clôturée par la visite de l’exposition Ce que les Afghanes ont à nous dire. Elle a réuni les œuvres photographiques de cinq artistes contraintes à l’exil depuis le coup de force des Talibans le 15 août 2021.