Les femmes musulmanes voilées plus discriminées que les musulmanes non voilées

La revue européenne de sociologie (European Sociological Review)  a publié le 9 juillet dernier une étude sur la discrimination à l’embauche de femmes musulmanes. L’étude a été menée par une équipe internationale conduite par par trois scientifiques: Marina Fernández-Reino (Université d’Oxford), Valentina Di Stasio (Université d’Utrecht) et Susanne Veit (Centre allemand de recherche sur l’intégration et la migration – DeZIM). La méthodologie utilisée par les trois chercheuses reposait sur une expérimentation visant à reproduire la situation vécue par les femmes musulmanes candidates à un emploi. L’objectif était de savoir si la discrimination se manifestait de la même manière dans 3 pays européens (Pays-Bas, Allemagne et Espagne) et si elle s’exerçait de la même manière selon le type de pratique religieuse. Deux types de profils ont ainsi été créés pour les besoins de l’enquête: celui de candidates avec un CV arborant une photo avec voile et celui de candidates non-voilées mais affichant sur leur CV un engagement dans un centre communautaire musulman. 

 

Les trois chercheuses ont ainsi comparé les écueils que rencontrent les femmes musulmanes selon qu’elles soient voilées ou non dans le milieu du travail. Elles sont ainsi arrivées à la conclusion que les femmes musulmanes sont davantage victimes de discrimination en Allemagne et aux Pays-Bas qu’en Espagne et que les femmes voilées sont plus exposées à la discrimination que les femmes non-voilées, mais principalement lorsqu’elles postulent à des emplois qui nécessitent un niveau de compétence élevé ou qui implique le contact avec une clientèle. En Espagne, par contre, le degré de discrimination à l’égard des femmes musulmanes qui portent le voile est moins marqué.

Les trois universitaires ont également été particulièrement surprises par le niveau élevé de discrimination là où le contexte institutionnel a historiquement été relativement ouvert à l’accommodement des droits des minorités religieuses, comme c’est le cas en Hollande. Selon l’étude, il s’agirait ici de l’effet stigmatisant de politiques plus récentes dorénavant tournées vers l’assimilation culturelle des minorités.

Depuis les attentats terroristes revendiqués par les extrémistes islamistes au début des années 2000, l’intégration des migrants musulmans et de leurs descendants dans leurs pays d’installation a fait l’objet d’une attention considérable. L’étude le précise en rappelant une analyse des auteurs Yasemin Shooman et Riem Spielhaus qui, en 2009, écrivaient dans leur livre ‘Les musulmans en Occident après le 11 septembre’ : « Dans le contexte européen, les musulmans constituent un groupe très diversifié en termes d’origines nationales et culturelles, bien qu’ils soient fréquemment dépeints dans les médias et les débats politiques comme une communauté homogène avec une identité essentialisée. Les musulmans sont perçus par le grand public comme un groupe difficile à intégrer, principalement en raison de leurs attitudes conservatrices en matière de rôles de genre et de leurs niveaux élevés de religiosité, qui sont apparemment en contradiction avec les valeurs européennes et les modes de vie laïques des sociétés occidentales ».

 

Les femmes musulmanes sont généralement plus visibles que les hommes

La visibilisation est plus marquée encore pour les femmes voilées, qui sont souvent perçues : « comme un symbole de la réticence des femmes à s’intégrer dans la société dominante ». Les employeurs, selon les conclusions de l’étude, se penchent sur « différentes combinaisons de signaux religieux musulmans dans leur curriculum vitae ». Ils interprètent l’identité musulmane de manière différenciée en considérant le voile comme signe d’une adhésion religieuse plus engagée que le bénévolat dans un centre communautaire musulman.  Porter le hijab sous-entendrait un degré d’engagement religieux et de religiosité plus important et serait par conséquent perçu par les potentiels employeurs comme de ferventes musulmanes. Pour les autres, non voilées, faire du bénévolat est perçu comme « un attachement à certains éléments de l’islam en raison de leur origine, mais dont le lien avec l’islam pourrait être décrit comme une fidélité floue »

Les trois pays européens choisis pour l’étude ont des histoires migratoires différentes. En Allemagne et aux Pays-Bas, les minorités musulmanes sont pour la plupart des descendants de « travailleurs invités » (guestworkers) turcs et/ou marocains arrivés dans les années 1960, tandis qu’en Espagne, la taille de la population musulmane était négligeable jusque dans les années 2000. L’une des raisons d’une plus grande tolérance sur la question du voile en Espagne reste la place qu’on accorde à la question dans la vie publique. Aux Pays-Bas et en Allemagne, des lois limitent l’utilisation de vêtements religieux dans certains espaces publics alors qu’en Espagne, le débat public sur le port de vêtements religieux est pratiquement inexistant.

L’étude complète de Marina Fernández-Reino, Valentina Di Stasio et Susanne Veit ici 

 

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