Les autorités iraniennes ont privé ce 16 septembre la famille de la malheureuse Mahsa Amini d’organiser une cérémonie en souvenir du premier anniversaire de sa mort. Son père est « prié » de rester chez lui après avoir été détenu quelques heures, selon des groupes de défense des droits humains.
Tout le monde se souvient de Mahsa Amini, cette jeune kurde iranienne âgée d’à peine 22 ans, décédée quelques jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour avoir selon eux enfreint les codes vestimentaires d’usage depuis 1979 et la révolution islamique. Mahsa serait morte suite à un coup porté à la tête.
La colère suscitée par sa mort s’est rapidement transformée en manifestations qui auront duré des mois. Des femmes ont brulé leur foulard en signe de protestation, défiant ainsi le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.
Amjad Amini, le père de la jeune femme désormais martyre du peuple a été interpellé « alors qu’il quittait la maison familiale dans la ville occidentale de Saqez » selon l’AFP. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il aurait été relâché, non sans avoir été averti « de ne pas organiser de service commémoratif sur sa tombe« . Des membres des forces de sécurité seraient « stationnés à l’extérieur’, ont ajouté des groupes des droits humains. « Amjad Amini est assigné à résidence… Les forces de sécurité l’empêchent de se rendre sur la tombe de sa fille », a indiqué IHR (Iran Humain Rights) basé à Oslo.
L’agence de presse officielle iranienne IRNA affirme que les informations concernant Amjad Amini sont « fausses » et n’ont d’autre but que de mettre le feu parmi la population. Amjad Amini avait déjà été convoqué par les services de renseignement la semaine dernière, après avoir annoncé son intention d’organiser une cérémonie commémorative. L’un des oncles de Mahsa, Safa Aeli, a lui été arrêté à Saqez le 5 septembre et il est toujours en prison.
Au cimetière d’Aichi à Saqez, la tombe de Mahsa reste inaccessible, la route étant fermée par les forces de sécurité iraniennes.
Les manifestations déclenchées par la mort de Mahsa ont évidemment perdu de leurs intensités après des mois qui ont vu les forces de sécurité tuer plus de 550 manifestants, selon IHR, et arrêter plus de 22.000 personnes, selon Amnesty International.
Les autorités iraniennes affirment que des dizaines de membres des forces de sécurité ont également été tués dans ce qu’elles qualifient d’«émeutes» provoquées par des gouvernements étrangers et des médias hostiles. Sept hommes ont été exécutés après avoir été reconnus coupables dans des affaires liées à des manifestations.
Les militants affirment que les autorités ont renouvelé leur répression à l’approche de l’anniversaire, en faisant pression sur les proches des personnes tuées lors des manifestations afin de les empêcher de s’exprimer. Human Rights Watch, basé à New York, a déclaré que les membres des familles d’au moins 36 personnes tuées ou exécutées lors de la répression avaient été interrogées, arrêtées, poursuivies ou condamnées à la prison au cours du mois dernier.
« Les autorités iraniennes tentent d’étouffer la dissidence afin d’empêcher la commémoration publique de la mort de Mahsa » a déclaré Tara Sepehri Far, chercheuse sur l’Iran et le Koweït au sein de HRW.
Des chaînes en langue persane basées hors d’Iran, dont Iran International, ont diffusé pendant la nuit des images d’habitants criant «Mort au dictateur» et le principal slogan de protestation « Femme, vie, liberté » depuis des immeubles d’habitation à Téhéran et dans sa ville satellite de Karaj.
Alors que l’on voit encore certaines femmes marcher en public sans foulard, en particulier dans les quartiers riches et traditionnellement libéraux du nord de Téhéran, le parlement dominé par les conservateurs examine actuellement un projet de loi qui imposerait des sanctions beaucoup plus sévères en cas de non-respect.
« La République islamique redouble de répression et de représailles contre ses citoyens et cherche à introduire de nouvelles lois plus draconiennes qui restreignent encore plus sévèrement les droits des femmes et des filles », selon Sara Hossain, présidente de la mission d’enquête de l’ONU mise en place pour enquêter sur la répression.
Sous le slogan « Dites son nom ! », les émigrés iraniens devraient organiser des rassemblements commémoratifs, avec de grandes manifestations attendues à Paris et Bruxelles notamment.
Joe Biden a lancé des appels internationaux en solidarité avec les Iraniens à l’occasion de l’anniversaire de la mort d’Amini. « Les Iraniens détermineront seuls le sort de leur pays, mais les États-Unis restent déterminés à se tenir à leurs côtés », a-t-il déclaré.
Malika Madi
Avec AFP