
Ben Hamidou est un habitué de la scène et ce n’est pas la première fois qu’il prend possession d’un espace scénique en solo pour exprimer un pan de son histoire. Dans ce seul en scène, il conjugue, le temps de la représentation, toutes les facettes qui font de lui cet artiste généreux et particulièrement habité.
Certes, c’est son histoire qu’il nous raconte, mais tout comédien vous dira qu’il est plus facile d’incarner un rôle qui vous éloigne de vous-même qu’un rôle dont vous portez les aspects intimes.
De quoi nous parle ce spectacle ? D’un petit garçon qui, à l’aune de sa vie, est très vite victime de ce qui pourrait se traduire par l’inconséquence des adultes qui en ont la charge. A la décharge des parents, on peut imaginer que le déracinement de l’Algérie vers l’Europe est aussi un traumatisme mais n’est-ce que cela ? Arrivés à Molenbeek, dans une rue qui fait rêver d’aristocratie belge, la rue du Compte de Flandre, les cousins, les cousines, les oncles, les tantes trouvent dans une maison unifamiliale, transformée en appartements multiples, un relent de vie communautaire qui rappel celle que l’on connaissait au pays. Mais le bonheur ou la semi insouciance ne dure pas.
Les parents du petit garçon se séparent et Mohamed à qui l’on demande de choisir entre sa mère et son père, il n’a alors que six ans, se jette sous les jupons de sa grand-mère paternelle, on en conclut que c’est avec son père qu’il veut vivre. Privé de sa mère, gardé par une grand-mère, certes aimante mais souffrante, son papa n’a d’autres choix, en novembre 1970, que de placer l’enfant en colonies pour une période initiale de 15 jours… Huit mois plus tard, l’enfant finit par se rappeler au bon souvenir du père qui, entretemps, a refait sa vie avec une compagne qu’on lui présente comme une tante.
Ben Hamidou, dans une mise en scène très éthérée de Gennaro Pitisci, évoque cette période de sa vie avec humour, émotion, lucidité, mais aussi tendresse et empathie. Empathie pour les adultes sur qui il ne porte aucun jugement. Empathie pour l’Institution qui en a eu la charge. Empathie pour ses coreligionnaires de colonies dont il évoque avec tendresse et humour les souffrances d’être éloignés des repères familiaux.
Mohamed transformé en Ben, sait aujourd’hui qu’il est aussi l’homme devenu grâce à son histoire. Et en se la réappropriant pour nous l’offrir avec cette intelligence de jeu, c’est aussi une manière de cautériser une plaie béante que même le temps, et certains moments du jeu le révèlent, ne parvient pas totalement à refermer.
« Ah les jolies colonies » Mise en scène de Gennaro Pitisci, assisté de Maïté Renson. Avec Ben Hamidou. Du 16 au 26 février 2022 au Théâtre Les Riches-Claires à Bruxelles.