Née en France, Tonia Marek découvre l’Algérie en 1963 et y passera toute son adolescence. Elle se passionne pour les luttes d’indépendance en Afrique et traduit les pamphlets de ces mouvements. Elle poursuit ses études supérieures en nutrition et en épidémiologie aux Etats Unis puis, doctorat en poche , part travailler dans le cadre de la santé pour différentes gouvernements africains ou ONG, dont l’UNICEF.
Elle intervient ainsi pendant plus de 30 ans dans les domaines de la nutrition, de la lutte contre le sida, de la réforme des hôpitaux ou de la lutte contre la pauvreté en Zambie, Mauritanie, Guinée, Burkina Faso, Mali, Rwanda, et Sénégal, parmi d’autres.
Collectionneuse de perles depuis les années 80 puis créatrice de colliers.
Elle s’intéresse alors de plus près aux perles et à leur fonction rituelle en se documentant sur ces fonctions auprès de tradithérapeuthes ou de prêtres animistes, qui acceptent de lui transmettre leurs connaissances.
Depuis une dizaine d’années, elle poursuit sa vie de nomade et expose dans des musées et galeries internationales de superbes colliers dont les éléments ethniques font également l’objet de conférences.
Tonia Marek poursuit son chemin dans l’exaltation permanente des nombreuses expositions à travers le monde. Chaque exposition demande en effet beaucoup de préparation. Son cerveau est toujours en constante ébullition depuis qu’un jour elle a cassé par inadvertance un collier qu’une amie lui avait offert à Dakar. Pour le réparer, elle visite le marché de perles de la ville et c’est le déclic ! La voilà qui attrape le virus des perles ! Pourtant, dans son enfance, ni sa mère, ni sa grand-mère ne lui avaient appris à enfiler des perles…
Tonia vit maintenant au rythme de l’Afrique: « J’ai beaucoup appris d’elle au point de vue humain et culturel » précise- t-elle. « J’ai ainsi l’impression de redonner vie à cette richesse. »
Ses colliers sont exposés aussi à la galerie Intersélect, à St Louis , dans le Missouri. L’exposition qui réunit plusieurs artistes internationaux a pour thème : « RITUEL ». « Mes colliers se trouvent donc dans leur élément ! De même à Paris où ils s’intègrent dans le regard porté sur ce continent SAGA AFRICA qui a lieu durant tout le mois de juin 2021.
Il y a cinq ans, le Musée du Bardot à Alger avait également organisé une exposition sur le thème : «Pouvoir des perles d’Afrique » et présentait différentes fonctions des perles: ornemental, social , religieux, initiatique, thérapeutique ou sacré. Du fait de son succès, l’exposition qui devait durer 3 mois, a été prolongée de sept mois.
« Je donne maintenant des conférences sur ce que j’ai appris en Afrique concernant l’utilisation des perles d’Afrique. Certains médecins traditionnels proposent d’ailleurs dans leur kit de guérison des perles, jointes à des plantes ou des incantations ou autres rituels. Je me contente de rappeler que les perles n’ont pas uniquement une fonction esthétique, elles ne sont pas uniquement de beaux objets. Outre leur fonction décorative, elles font partie intégrante du rituel de guérison. »
Tonia compare ces perles aux masques africains qui ,eux aussi, ont une fonction qui dépasse leur fonction d’origine. « Porter un beau collier, c’est se sentir belle et cela donne de l’assurance. Les perles peuvent aussi avoir un effet placebo, comme certains médicaments en Occident. »
Parfois, elles peuvent aussi servir à indiquer le statut social. « En ce qui concerne leur impact sur celles qui les portent, je m’abstiens de déclarer si cela marche ou pas . Je me contente de transmettre ce que l’on m’a dit. »
Dans l’exposition parisienne, une quinzaine de colliers sera présentée. D’autres colliers sont déjà réservés pour la prochaine exposition qui aura lieu à la Nouvelle Orléans, en Louisiane, en octobre 2021. Les perles ont toutes été acquises en Afrique, surtout en Afrique de ‘Ouest, dans les marchés. «Certains antiquaires venaient même les proposer chez moi car ils apprennent vite qui est collectionneur !».
Les prix des colliers vont de 120 euros à 800 euros selon la rareté des perles, leur ancienneté ou le travail. La conférence pour les présenter aura lieu le vendredi 25 juin à 18h . Il y aura également la projection d’un documentaire sur l’exposition au Musée du Bardot à Alger: 80% des objets présentés provenaient de la collection personnelle de l’artiste. Les autres appartenaient au Musée. Jusqu’à présent, les colliers n’ont jamais été présentés dans d’autres pays d’Europe. Tout au plus, Tonia a -t-elle donné une conférence à Venise, dans le cadre de la semaine du verre de Venise en 2020. Mais l’artiste ambitionne d’exposer au Japon: « Beaucoup de Japonais collectionnent les perles africaines mais je ne les vois jamais portés par les japonaises. Je suis curieuse de savoir ce qu’ils font des perles achetées. »
Tonia Marek poursuit aussi d’autres projets : « J’aimerais faire un documentaire sur les tradithérapeutes qui utilisent les perles dans leur travail au Sénégal, et un autre sur les perles utilisées dans le culte vaudou au Bénin et au Togo et mettre à jour un livre publié dans les années cinquante sur les perles de Madagascar. En effet, l’auteur mentionne le nom des perles, leur utilisation par les tradithérapeutes mais malheureusement il n’y a aucune photo !
L’artiste espère aussi exposer un jour à Bruxelles : « le passé colonial fait que beaucoup de personnes s’intéresseront à l’histoire et la fonction actuelle des perles de traite. »
Catherine Belkhodja