Iman et Maryam Ramadan, aveugles ou naïves ?

L’image a dû laisser perplexe plus d’un téléspectateur. Hier 24 mai 2023, un tribunal suisse a déclaré Tariq Ramadan non coupable de viol et de contrainte sexuelle dans un hôtel de Genève il y a 15 ans sur la dénommée Brigitte ( nom d’emprunt).

La justice a parlé, les médias et le public doivent en prendre acte, c’est le jeu de la démocratie. Là où je m’interroge, c’est la mise en scène, presque burlesque, de l’arrivée de l’ancien professeur de l’Université d’Oxford au tribunal entouré de sa femme Iman ( née Isabelle) et de sa fille Maryam. Ensemble, ils affrontent la cohorte de journalistes et de photographes sur les marches de l’entrée du tribunal. Les images sont muettes, il faut les faire parler, les interpréter, et cet instantané relayé pendant quelques secondes raconte beaucoup, raconte au-delà des images.

Tout commence le 20 octobre 2017 dans le contexte du mouvement #BalanceTonPorc lorsque Henda Ayari, une ancienne musulmane salafiste, porte plainte en France contre Tariq Ramadan pour « des faits de viol, d’agressions sexuelles, de violences volontaires, de harcèlement et d’intimidation ». Cet aveu de la  Rouennaise de père algérien et de mère tunisienne fera des émules puisque quelques jours plus tard, c’est une autre Française qui déposera plainte pour des faits similaires. Effet boule de neige pour l’islamologue helvète puisque quatre de ses anciennes élèves, en Suisse, révèlent à la presse avoir été elles aussi victimes d’abus dans les années 1980 et 1990. À l’époque, elles étaient âgées entre 14 et 18 ans, mais les faits étant trop anciens, la prescription s’est appliquée.

Le cauchemar pour Tariq Ramadan ne s’arrête pas là, entre février 2018 et mai 2019, quatre autres femmes  vivant en France, aux États-Unis et en Suisse portent elles aussi plainte contre lui pour des viols ou des crimes à caractères sexuels. L’empereur des prêcheurs musulmans chute de son trône. Ses ennemis exultent, ses amis le lâchent, ses admirateurs le lynchent, ses aficionados crient au complot.

Et dans ce tsunami qui souffle sur la carrière brillantissime d’un intellectuel de haut vol renvoyé au néant, deux femmes, fidèles, droites, présentes et exposées, alors qu’elles étaient toujours restées dans l’ombre du temps de la splendeur de l’intellectuel.

Et l’une et l’autre se sont exprimées dans les médias. Et l’une et l’autre affirment croire en lui, en son innocence, en sa probité. Et l’une et l’autre ont affirmé qu’il était un homme, d’abord, avec ses faiblesses et ses inclinations humaines. Et l’une et l’autre, visages impassibles et gestes parcimonieux garantissent qu’elles ne lâcheront rien tant que la justice, la vraie, n’aura pas reconnu l’innocence de l’homme.

Maryam affirmait d’ailleurs dans un entretien accordé au journal français Libération en juin 2018, et alors qu’il était détenu à la prison de Fresnes  : « ne pas douter de son père, mais douter de la justice ». La jeune fille y pointait ce qui selon elle « était des incohérences et des contradictions dans le récit des plaignantes ». Soit, laissons la justice décider s’il y a eu viol ou pas, contraintes sexuelles ou pas, emprises psychologiques ou pas. Mais quid de l’imposture de l’homme ?

De ses injonctions à la moralité, à la fidélité, à la vertu et à la probité ? Sa femme Iman lui pardonne, dans un entretien accordé à un journal suisse, le matin.ch, elle dira « Mon mari est un homme, il n’est pas un ange, il n’est pas parfait. Il peut commettre des fautes. Notre famille le soutient pour un crime qu’il n’a pas commis. Le reste, c’est entre lui et Dieu, et entre lui et sa famille. Les choses privées se gèrent dans le privé et ce qui est public ne peut être géré qu’en écoutant les principaux intéressés. Et pour finir, il n’appartient qu’à Dieu de juger les hommes et leurs actes ». 

Cette élégante diatribe serait touchante, si l’œuvre de son mari, ses écrits, ses joutes verbales médiatiques, sa rhétorique portée ça et là à travers le monde et dans moult conférences en anglais, en arabe et en français n’avaient comme finalité absolue, justement d’entrée dans le « privé » de ses auditeurs tout ouïe, parfois dans le doute, souvent convaincus mais finalement, à mille lieux de la vérité.

 

 

 

 

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