Qui est Dilan Yesilgöz-Zegerius cette quadragénaire d’origine turco-kurde, ministre de la Justice et de la Sécurité des Pays-Bas pour le parti libéral ? Brillante, photogénique, ambitieuse, elle sera peut-être la nouvelle Première ministre issue de la diversité dès le 22 novembre prochain.
Fille d’un réfugié politique – son père Yücel Yeşilgöz appartenait à la minorité kurde alévie-, c’est à l’âge de 7 ans qu’elle arrive aux Pays-Bas en provenance d’Ankara où elle est née en 1977. Son père avait quitté la Turquie en 1981, menacé pour ses activités syndicales et politiques. La petite Dilan grandit avec sa mère (Fatma Özgümüs qui fut un temps directrice de l’Organisation néerlandaise pour les réfugiés) et sa sœur. Après de brillantes études secondaires, elle intègre l’Université d’Amsterdam où elle choisit d’étudier les sciences sociales et culturelles.
Une carrière politique exemplaire.
Elle n’a que 22 ans lorsqu’elle entre au SP un parti socialiste à la gauche du parti social-démocrate PVDA. Elle commence à gravir les échelons. En 2004, elle devient membre du conseil d’administration de la section d’Amersfoort (dans la province d’Utrecht). Son parti est celui qui s’est notamment opposé à la politique nationale d’asile de Rita Verdonk qui fut une inflexible Ministre de l’intégration de 2006 à 2007. Dilan Yesilgöz-Zegerius organise alors à Amersfoort une manifestation intitulée « Du Fond du Cœur, Pardon ».
Quelques années plus tard, en 2006, elle déménage à Amsterdam et devient conseillère en sécurité et santé pour le conseil des maires et échevins de la ville avant d’opérer un tournant radical en passant de la gauche à la droite. Fin 2010, elle devient membre du conseil d’administration de la section d’Amsterdam de son nouveau parti, le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD)
Un temps présentatrice de radio, sa passion pour la politique est plus forte. Elle porte aussi des combats contre le harcèlement de rue et les droits des LGBTQ+. Lorsqu’elle était conseillère communale, elle a travaillé sur différents projets en lien avec ceux de ses combats de toujours. Un grand journal hollandais, De Volkskrant, dira que Dilan Yeşilgöz est un « Pitbull avec de l’empathie » en référence à son acharnement pour porter les causes auxquelles elle tient.
Une surdouée de la politique
En 2021, alors que Mark Rutte rempile pour un troisième mandat, elle devient secrétaire d’État aux Affaires économiques et à la Politique climatique. Tout le monde reconnait son travail et son pouvoir de persuasion, mais c’est en janvier 2022, lorsqu’elle devient ministre de la Justice et de la Sécurité, qu’elle entamera des réformes significatives pour son pays. Elle met un point d’honneur à la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre le terrorisme. Elle choisit aussi de déposer plusieurs motions importantes comme celles qui concernent le régime des témoins à charge pour sécuriser de manière plus efficace les avocats ou encore les journalistes menacés. Dilan travaille également à ce que les imans prêcheurs de haine soient interdits d’entrée dans l’espace Schengen.
Des positions radicales
Le gouvernement des Pays-Bas est le fruit de quatre partis de coalition. En 2019, Dilan crée un vrai malaise lorsqu’elle affirme que «les membres de l’État islamique détenus par les Kurdes dans des camps en Syrie devraient être jugés sur place ». Pour la Ministre, les hommes et les femmes suspectés de terrorisme ne doivent pas être rapatriés aux Pays-Bas. Cette position était loin d’être partagée par les autres partis de la coalition, plutôt en faveur du rapatriement des femmes et des enfants.
Elle s’est aussi beaucoup impliquée dans la lutte contre l’antisémitisme, déposant une note qui fut adoptée en 2020.
Une droite assumée
Dilan Yesilgöz-Zegerius ne fait pas dans la dentelle et son franc-parler séduit. En septembre 2022 son discours « Faire ce qui est nécessaire pour protéger notre État de droit démocratique » est majoritairement apprécié des électeurs de la droite. Elle y dénonçait les mouvements « woke » et les « wappies » (expression qui qualifie un état d’esprit en marge de la norme) et séduit les plus réactionnaires. Elle dira aussi que «l’État de droit néerlandais est sous pression » en référence à l’immigration.
Le 12 juillet 2023, quelques jours après la démission du Premier ministre Mark Rutte, Dilan Yeşilgöz devient candidate à sa succession en tant que cheffe du parti VVD. En août, elle prend la tête de ce même parti pour les élections législatives de ce 22 novembre 2023.
Mark Rutte avait choisi de démissionner le 7 juillet dernier, évoquant des «différends insurmontables» au sein de son gouvernement de coalition. Ces différents concernaient pour l’essentiel la politique d’accueil des réfugiés aux Pays-Bas et sa volonté de durcir les conditions du regroupement familial pour les demandeurs d’asile. Si Dilan Yesilgöz convainc les électeurs néerlandais le 22 novembre prochain, elle sera la première femme politique issue de la diversité à avoir accès au poste de Première ministre.