Tout le monde se souvient d’Amanda Gorman, cette jeune femme afro-américaine qui avait récité un texte profond sur sa vision de l’Amérique, le jour de l’investiture du Président Joe Biden. Elle avait ému le monde entier par sa rhétorique et la force de son texte. La semaine dernière, aux Pays Bas, une polémique sur la traductrice néerlandaise de son œuvre à fait rage traversant la frontière pour atteindre la Belgique.
Les nuances de la couleur de peau seraient-elles la condition sine qua non pour ressentir au plus près les œuvres d’un ou d’une artiste ? Cette aberration nous vient des Pays Pas. La maison d’édition Meulenhoff, qui a acquis les droits pour la traduction du poème «La colline que nous escaladons» ainsi que ceux du prochain recueil de la poétesse avait demandé à l’auteure Marieke Lucas Rijneveld, 29 ans, très connue chez nos voisins, de se charger de les traduire dans la langue de Vondel. Ce choix a suscité une polémique sur les réseaux sociaux, soutenue par la journaliste noire Janice Deul, qui déclare qu’il s’agit là : « d’un choix incompréhensible». Elle poursuit en affirmant comprendre : « ceux qui ont exprimé leur douleur, leur frustration, leur colère et leur déception (…) ». Selon elle, la maison d’édition a manqué une ‘occasion’ en n’employant pas une personne de couleur pour traduire les œuvres d’Amanda Gorman. Marieke Lucas Rijneveld est jugée incapable, par certains, de traduire avec la force nécessaire les textes d’un femme issue d’une minorité noire.
Au final, c’est Marieke Lucas Rijneveld elle-même qui a décidé de se retirer du projet le 26 février dernier. Elle s’est dit choquée par le tollé entourant son implication dans la diffusion du message d’Amanda Gorman et plus du tout sereine pour poursuivre sa mission. L’empathie et la capacité à la mettre au service d’une œuvre aurait donc une couleur, une sensibilité, une inclination particulière selon que l’on soit blanche ou noire. Le débat s’est donc imposé également en Flandre ou dans une carte blanche parue dans De Morgen, l’écrivain Mohamed Ouaamari observe qu’il n’y a pas assez de place pour les plumes issues de l’immigration « et que le secteur littéraire reste encore et toujours aussi blanc que la cocaïne qui arrive à Anvers. »