Algérie: l’encadrement des médias est renforcé

Le jeudi 13 avril dernier, la presse algérienne a connu un nouveau tournant. Depuis 1962, jamais les médias algériens ne purent réellement profiter d’une totale liberté d’expression mais, en 60 ans d’indépendance, on peut affirmer que selon les époques et les dirigeants au pouvoir, ils furent ou totalement muselés ou partiellement tolérés.

Si dans les années 2000 une multitude de journaux ont pu se créer et jouer leur rôle de transmission de l’actualité, ces dernières années (et certainement depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdelmadjid Tebboune) la prison pend au nez de quiconque tente une analyse un peu trop critique du régime. Pour légitimer encore mieux le muselage des journalistes, un projet de loi sur l’information et un renforcement de l’encadrement de l’action des journalistes ont été étudiés par la chambre basse du Parlement.

Le projet de loi envisage «de nouvelles sanctions en cas d’infraction». Qu’est-ce qu’une infraction selon le prisme des initiateurs de la loi si ce n’est de rendre publics les faits de corruption (secondaire religion en Algérie), les drames sociaux, la pauvreté galopante, la crise du chômage, l’inflation, les règlements de compte intramilitaires au plus haut sommet de l’état, etc.

Parmi les principales dispositions du texte, figure notamment une interdiction aux médias algériens de bénéficier de tout « financement » ou « aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère » sous peine de « sanctions pénales prévues par la loi ». Une amende pouvant aller jusqu’à près de 14.000 euros est également prévue.

Si le texte stipule que « le secret professionnel constitue un droit pour le journaliste conformément à la législation et à la réglementation en vigueur », il précise que le journaliste est tenu de révéler ses sources à la justice si elle l’exige.

Autre disposition, la nouvelle loi exclut de facto les binationaux du droit de détenir ou d’être actionnaires d’un média en Algérie.

Cet article a fait débat entre les sénateurs, certains soulignant le paradoxe entre le fait que les binationaux sont courtisés pour les élections ou encore l’investissement en Algérie, mais empêchés d’accéder au capital des médias. Plusieurs sénateurs ont aussi déploré l’absence de textes d’application devant accompagner ce projet de loi.

Le président du Sénat, Salah Goudjil, a lui-même noté, en français, que « le diable est dans les détails », en évoquant l’absence des textes d’application.

Le projet réitère l’obligation déjà existante pour les journalistes d’obtenir une « accréditation » pour travailler en Algérie pour des médias étrangers, en l’assortissant d’une amende pouvant aller jusqu’à un million de dinars (près de 7.000 euros) pour « toute personne exerçant l’activité en Algérie pour le compte d’un média de droit étranger sans l’accréditation ».

Ce projet de loi sera le premier texte réglementant le travail des médias à être adopté sous le mandat d’Abdelmadjid Tebboune arrivée au pouvoir fin 2019.

Le paysage médiatique en Algérie n’a jamais atteint un tel niveau de dégradation. Les médias indépendants travaillent dans des conditions de pression étouffantes. Plusieurs journalistes sont  emprisonnés et il faut savoir  que l’Algérie figure à la 134e place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières (RSF) en 2022.

Le 2 avril, le patron de presse algérien Ihsane El Kadi, poursuivi pour « financement étranger » de son entreprise, a été condamné à cinq ans de prison dont trois fermes. Les menaces et intimidations dont sont victimes les journalistes algériens rendent l’exercice de la profession de plus en plus compliqué.

Comme le disait déjà Thomas Jefferson, 3e président des États-Unis dans sa « Déclaration d’Indépendance » en 1776 : “Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue.”  

Malika Madi Avec AFP

 

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