La disparition d’un enfant est un événement tragique. Rien ne doit être comparable à ce vide qu’il laisse au moment où l’on s’y attend le moins.
Emile le 8 juillet dernier, Lina ce samedi 23 septembre. Tous les deux volatilisés depuis un village au cœur de la ruralité française. Lina a 15 ans et c’est en se rendant à la gare à 3 km de chez elle qu’elle disparait. Elle empreinte un chemin de campagne, à travers les bois, route qu’elle connait par cœur puisqu’elle vit non loin de là. Emile échappe à l’attention de ses grands-parents un court moment et lui aussi disparait de manière soudaine.
La disparition d’enfants fait froid dans le dos car elle nous renvoie à notre propre impuissance si cela devait arriver à l’un des nôtres. Quelles limites et quels interdits imposer à nos enfants et nos adolescents sans que cela vire à la paranoïa ? Après l’affaire Dutroux dans les années 1990, nous le sommes tous devenus. Les parents d’enfants du même âge qu’An et Eefje et de Julie et Melissa peuvent témoigner des sueurs froides au moment de laisser partir son enfant en camp de vacances, en soirée ou juste au supermarché pour acheter une brique de lait.
Pour avoir perdu de vue l’un de mes enfants alors qu’il était encore très petit et pendant un long moment, je peux témoigner du saisissement qui étreint. L’impression du temps qui se fige. Le sentiment que le monde est suspendu. Pas de cris, pas de larmes, juste une force inouïe et une ultime certitude qu’il faut relancer le temps arrêté, comme s’il l’était au fond pour l’univers entier.
Le cerveau est en pilotage automatique. Il vous fait douter, une poignée de secondes, que cet enfant ait réellement existé. Il vous replace dans l’avant « lui ». Il vous rappelle que vous étiez déjà là avant sa naissance et qu’il est probable que vous devrez redevenir vous de l’avant « lui ». Mais très vite, ce message que votre instinct de survie vous envoie vous le refusez, vous le balayez, car l’amour inconditionnel que vous portez à votre enfant le noie dans l’océan d’amour que vous nourrissez depuis le jour où il a été mis au monde. Il n’est pas possible de faire « comme si de rien n’était ». Puis, soudainement, il réapparait et c’est d’un cauchemar éveillé dont vous émergez.
La disparition d’un enfant est en effet l’une des épreuves les plus dévastatrices et traumatisantes qu’il est possible de vivre. Une expérience qui engendre une douleur incommensurable. L’angoisse, la détresse, le chagrin, la colère… Une immense culpabilité et la question : aurions-nous dû faire autrement ? C’est sans nul doute, émotionnellement, la quête la plus épuisante et la plus difficile qu’un être humain puisse connaître. Les parents d’Emile la connaissent, ceux de Lina la découvrent. Avant eux, tant d’autres à travers le monde.