Entretien exclusif avec Virginie Perin, l’épouse de Mohamed Hamani, incarcéré en Algérie pour possession de faux dinars: « On attend de cette histoire qu’elle soit oubliée »

Le 13 avril dernier, nous vous parlions de Mohamed Hamani (lire ici), cet habitant de Souvret dans le Hainaut, retenu dans une prison de Chlef dans l’est de l’Algérie pour avoir eu en sa possession des dinars d’une valeur de 50 euros qui seraient de faux billets. En détention depuis plus d’un mois et demi, nous avons pu contacter son épouse, Virginie Perin. Elle nous livre les dernières nouvelles et affirme craindre le pire pour lui.

Anéantie, mais combative, Virginie Perin, assistance sociale et mère d’un petit garçon de 12 ans et demi, nous dit qu’elle se battra jusqu’à ce que la justice algérienne lui rende son mari. En partant pour Tipaza, il y a quelques semaines, la petite famille avait pour désir de découvrir le pays d’origine de Mohamed avec l’envie d’acquérir un bien dans la ville côtière.

Tout se passe bien jusqu’à la veille du départ: «On est allé à la banque de Chlef pour des démarches administratives, c’était le dernier jour avant notre départ. Au moment de régler un service, on lui annonce que l’un des billets est faux. Ces coupures, nous les avions acquises le 3 février dernier dans un bureau de change à Bruxelles, rue du marché-Aux-Herbes. Une boutique qui a pignon sur rue. On change donc 1000€ pour lui et 500€ pour moi en dinar. Le but était de revenir en Algérie courant du mois de juillet parce que son projet était d’acheter un appartement».

Mais les dernières 24 h bousculent le destin de cette famille tranquille.  Aujourd’hui, l’épouse de Mohamed demande à ce que les autorités belges et algériennes collaborent pour tracer la provenance du faux billet. Virginie émet l’hypothèse que si les responsables sont en Europe, l’enquête algérienne risque d’être plus longue ou n’aboutissant jamais.

Elle regrette aussi qu’aucune perquisition n’est été demandée à l’encontre du bureau de change où la transaction s’est faite à Bruxelles. Pour Virginie, ce manque d’implication de la part des autorités belges dans l’enquête est inadmissible. La ministre des Affaires étrangères, Hadja Labib, reste pour l’instant silencieuse et cela malgré les sollicitations de la famille. Un courrier a également été envoyé à la Reine Mathilde pour la sensibiliser au cas de Mohamed.

Virginie nourrit une grande perplexité sur le déroulement des évènements  : « Après son arrestation et alors qu’il était en garde à vue, il a prouvé via l’application Belfius que le 3 février, il avait bien fait un retrait de la somme», mais il semblerait que cela n’ait pas convaincu le procureur, « Mohamed n’est pas stupide, il ne serait pas allé dans une banque avec de faux billets».

Virginie a aujourd’hui l’impression que la Belgique ne fera rien pour lui.  L’enquête progresse lentement et les billets sont pour l’instant en cours d’analyse. L’épouse de Mohamed s’interroge également sur les méthodes du courtier bruxellois: « Comment un bureau de change peut-il acheter des billets de banque sans contrôler s’ils sont vrais ou faux ? »

« Après la première audience le 2 mars, il m’annonce qu’il devra rester en prison. »

Concernant l’état de santé de son mari, Virginie nous avoue avoir peur pour lui « depuis quelques jours, il n’arrive plus à mettre le pied au sol. Il aurait même des champignons qui le font souffrir ». Virginie garde espoir, mais ce qui l’effraie c’est la lenteur de cette procédure. « Je cours partout, je légalise des documents, je suis chez l’avocat ou à l’ambassade, je vis un cauchemar. On nous fait tourner en bourrique, une fois c’est blanc, une fois c’est noir… »

Virginie Perin regrette l’inaction des services consulaires en Belgique qui semblent à mille lieues de se préoccuper du cas de Mohamed. Quant à l’ambassade belge à Alger : «elle ne répond pas, elle fait la sourde oreille en nous disant que leur rôle est de veiller à son bien-être dans le bâtiment pénitentiaire, nous voulons qu’elle agisse et qu’elle fasse un suivi du dossier. Nous sollicitions des services diplomatiques belges en Algérie, qu’ils prennent contact avec le juge et qu’ils aillent voir régulièrement Mohamed ».

Comme partout, les dossiers aux mains de la justice sont nombreux et le seul conseil que les autorités prodiguent à Virgine Perin est d’attendre « parce qu’il y a plus grave que son cas». « On attend de cette histoire qu’elle soit oubliée« , dit-elle  » ou que mon mari sorte de là entre quatre planches comme pas mal d’innocents. »

« Je ne vais pas baisser les bras, je suis enragée, je suis en colère ! »

Si l’état de santé de son mari l’inquiète beaucoup, leur petit garçon de 12 ans et demi souffre également de cette situation. En décrochage scolaire, Virginie est en contact étroit avec le centre PMS et une psychologue. « Il est un peu comme son papa, il est introverti, il ne s’exprime pas, ses émotions restent à l’intérieur… il a envie de pleurer, il a envie de crier, il a peur de ne plus revoir son père et il a peur d’oublier le son de sa voix. C’est ce qu’il m’a dit il n’y pas longtemps : ‘j’ai l’impression d’oublier le son de sa voix’. C’est quelque chose qui me fend le cœur ».

Virginie se dit, elle aussi, en burn out. « J’essaie de bien m’entourer. Ma famille me soutient, mes amis aussi. Tout le monde, même sur les réseaux sociaux… Mohamed est attendu de toutes parts. Il a passé toute sa vie en Belgique. C’est une personne sociable, généreuse, appréciée de tous, que ce soit au sport,  au travail, dans la famille, avec ses amis… »

Aujourd’hui la famille de Mohamed n’espère qu’une seule chose, que ce terrible malentendu se règle rapidement et qu’il puisse retrouver les siens.

 

 

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