Insultes, violence, racisme… De lourdes accusations qui empoisonnent la vie communale à Molenbeek

La commune de Molenbeek ne cesse de connaitre ces dernières années des soubresauts politiques qui la placent souvent en Une des journaux. Le dernier en date, les accusations que porte Abdellah Achaoui, échevin de la mobilité, de l’environnement, des plantations et des espaces verts, contre sa propre administration communale qu’il attaque en justice.

DiverCite.be a tenté de contacter Monsieur Achoui pour qu’il nous donne sa version des faits. Sans succès. Nous avons néanmoins décidé de poursuive note enquête. Première station dans notre recherche pour tenter d’y voir clair dans cet imbroglio local: Ahmed El Khannouss, conseiller communal de l’opposition pour le groupe « Molenbeek Autrement » (anciennement Les Engagés). 

Tout commence, semble-t-il, par des propos racistes dans le service des plantations de l’administration communale de Molenbeek. Plusieurs employés qui y travaillent et dont les noms figurent dans la plainte, ont tenu des propos racistes à destination de l’échevin Achaoui et de quelques autres travailleurs du service des plantations  « Votre échevin est un bougnoule » ou encore « si j’avais le pouvoir, je virerais tous les Marocains et les étrangers » auraient été lancés.

Entretien

DiverCite.be : Parlez-nous de ce qui se passe aujourd’hui au niveau de la commune de Molenbeek ?

Ahmed El Khannouss : Pour comprendre, il faut faire un petit retour en arrière. Abdellah Achaoui, PS, est désigné échevin à la commune de Molenbeek en octobre 2018. Il a en charge tout ce qui concerne la gestion de l’environnement. Il faut savoir que ce service avait déjà défrayé la chronique il y a quelques temps pour des histoires de vol.

Nous avions alors déposé une plainte à la police en sollicitant une enquête spécifique. Un vol de 80.000€ de matériels et de marchandises en 2017. Il s’avère que les voleurs avaient pénétré dans les locaux avec des clés. Ils connaissaient les codes, ce qui nous laissait penser que c’était sans doute des membres du personnel qui ont commis les faits. Il n’y a pas eu de suite. Nous avions demandé à ce que soient saisies les images de caméra de surveillance de la voie publique, mais cela n’a pas été fait.

DiverCite.be : Quand vous parlez de vol de matériels de quoi s’agissait-il exactement ?

Ahmed El Khannouss : Des machines lourdes comme de grosses tondeuses par exemple. Il faut un camion de déménagement pour emporter cela et beaucoup de temps de préparation, ce qui nous faisait penser qu’il ne pouvait s’agir que de complicité interne, mais cette supposition n’engage que moi. La recherche des coupables n’a pas abouti. L’administration n’était vraisemblablement pas très motivée pour approfondir l’enquête et ce n’est pas la première fois que cela arrive.

C’est donc à ce moment-là qu’Abdellah Achaoui hérite des compétences de la mobilité, de l’environnement, des plantations et des espaces verts de la commune de Molenbeek. Très rapidement, après la prise de ses fonctions, il remarque qu’il y a des dysfonctionnements. Des gens qui travaillent sérieusement et d’autres qui travaillent moins dirons-nous. Il instaure une nouvelle organisation, difficilement car changer les mauvaises habitudes n’est pas une chose aisée. C’est aussi à ce moment-là qu’un des travailleurs responsables, qui est au service de la commune depuis plus de 20 ans, mais aussi plusieurs de ses collègues, se plaignent de harcèlements et de propos racistes émanant de la hiérarchie.

Parmi les propos tenus, il y a des insultes graves comme « on ne veut pas d’un bougnoule comme échevin… » nous sommes alors en 2019 et 2020. Le travailleur est désigné chef d’équipe  il est l’un des rares du service à être diplômé jardinier et horticulteur avec plus de 23 ans passés au sein de l’administration communale dans le service des espaces verts. Après sa prise de fonction, il essayera de mettre un peu d’ordre dans le service comme le respect des horaires, une répartition plus équitable des tâches de travail, etc.

Un jour, refusant de céder aux demandes d’un responsable qui lui demandait de poser un acte illégal, il subira des pressions allant jusqu’à lui faire un rapport qui se trouve dans son dossier avec la mention « refus de respecter les ordres » sans évidemment que ne soit stipulé le motif du refus. L’exemple que je viens de vous donner n’en est qu’un parmi d’autres subit par le travailleur depuis qu’il a été désigné comme chef d’équipe et qu’il a commencé à pointer du doigt les graves dysfonctionnements au sein du service.

DiverCite.be : Le chef d’équipe sera ensuite accusé de vol ?

Ahmed El Khannouss : Oui, d’avoir volé 5 litres d’essence. Suite à cette accusation, la bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux, décide de lancer une procédure de révocation. Il faut savoir que la révocation intervient lorsqu’il y a une faute grave et induit le retrait du droit à la pension.

Pendant 23 ans il n’y a eu que des éloges sur son travail et lorsqu’il devient chef, comme par hasard, certains commencent à parler de fautes. Tout le monde sait que la seule raison qui se cache derrière cette volonté de le discréditer est qu’il a œuvré à remettre un peu d’ordre dans son service.

Parallèlement à la procédure de révocation du chef d’équipe, l’échevin Abdellah Achaoui dénonce les propos racistes dont est victime celui-ci, propos discriminatoires dont lui-même a été la cible. Suite à cela, l’échevin a décidé de déposer une plainte auprès d’UNIA, mais aussi de demander à un cabinet d’avocats une analyse juridique de la situation. En réponse, UNIA, demande à la bourgmestre de prendre des mesures fermes pour mettre fin à cette situation et cela tout en critiquant sa gestion du dossier.

De mon côté, lors d’un conseil communal, j’avais fait remarquer à Madame Moureaux qu’elle était la fille du père de la loi Moureaux, loi contre le racisme de1981, et que malheureusement la lutte contre le racisme n’était visiblement pas sa priorité.

Lors du conseil communal, après l’intervention des avocats du chef d’équipe accusé injustement, je démonte point par point les arguments utilisés contre lui. Malgré les éléments avancés en faveur du chef d’équipe par ses avocats, les conseillers communaux et moi-même, la bourgmestre reste sur ses positions, elle veut quand même révoquer le chef d’équipe. Pour moi, cela tournait à l’acharnement.

En juillet dernier, sachant que de nombreux conseillers sont en vacances, elle convoque en extrême urgence un conseil communal à huis clos, ce qui est inhabituel, pour révoquer le chef d’équipe. Je m’insurge, rappelle à la bourgmestre que le dossier ne tient pas et que tout cela ne relève que d’un racisme systémique qui met exergue le refus qu’une personne d’origine étrangère puisse avoir des responsabilités.

Clairement, la bourgmestre s’est acharnée sur le chef d’équipe, plutôt que de reconnaitre qu’elle avait peut-être tort et qu’il existe un problème de racisme grave au sein de l’administration des espaces verts. À l’issue d’un long débat, très animé, nous sommes passés au vote et sur les 35 conseillers présents (9 étaient issus de l’opposition) 22 ont voté pour l’arrêt de la procédure de révocation initiée par la bourgmestre.

DiverCite.be : Pourquoi quelque temps plus tard, Catherine Moureaux s’en est-elle prise physiquement à l’échevin Achaoui, pouvez-vous nous expliquer le contexte de cette grave altercation ?

Ahmed El Khannouss : La veille de cette agression, nous avons eu un conseil communal. Celui-ci a dû être interrompu, faute de quorum de la majorité PS et MR. En effet, l’opposition (Ecolo, PTB et Défi) a quitté le conseil communal après que celui-ci aie demandé à la bourgmestre de retirer trois points à l’ordre du jour. Le premier concernait l’envoi d’huissiers chez une trentaine de familles molenbeekoises suite à une dette de 6000 euros de garderies scolaires non payées. Les 2e et 3e point concernaient  l’expulsion de familles qui avaient des retards importants de payement de loyers.

Elle a alors demandé à se retirer un moment avec sa majorité et des membres du MR pour en discuter entre eux. Après 15 minutes, je me suis rendu devant le local où ils étaient réunis avant de frapper énergiquement à la porte. Lorsqu’elle ouvre, elle est dans une rage folle, les poings fermés comme un boxeur qui monte sur le ring. J’ai juste le réflexe de reculer et là elle me hurle « qu’est-ce que tu veux ? ». Elle claque à nouveau la porte et certaines personnes m’ont rapporté qu’elle m’avait traité de connard et de salaud.

Elle finit par revenir au conseil communal très calmement comme si rien ne s’était passé et elle nous dit :  « voilà, nous avons discuté et nous ne céderons pas au chantage. Vous pouvez rester ou partir ». Évidemment, l’opposition a quitté le conseil communal. Le lendemain matin et comme tous les jeudis, elle préside le collège et s’adresse à Abdellah Achaoui en lui disant qu’elle a une idée : «j’ai une proposition pour le chef d’équipe (qu’elle avait voulu révoquer) victime d’une cabale injuste. Pour tourner la page, je te propose qu’on l’envoie au service du nettoyage des rues ». Cette pirouette ne servait qu’à finir de l’humilier et nous prouver que c’était elle qui avait le dernier mot.

L’échevin refuse la demande de la bourgmestre. Déjà victime de racisme et de mensonge, ce pauvre chef d’équipe serait en plus obligé de quitter le service qui est le sien, alors que les responsables des propos racistes qui voulaient sa perte – et dont j’ai pu voir des écrits truffés de fautes d’orthographes et de propos ignobles- resteraient dans leurs fonctions ? L’échevin refuse et au contraire demande des sanctions contre ceux qui ont dysfonctionné et qui ont proféré des propos racistes. La bourgmestre réaffirme que c’est elle qui aura le dernier mot et tout cela devant témoin.

Elle demande alors une suspension de séance et se retire avec son groupe socialiste et Vooruit. Sont présents les échevins Jamel Azaoum, Amet Gjanaj, Adbellah Achaoui et Saliha Raiss. La discussion s’envenime et Abdellah finit par lui lancer « si ton père était encore là, cela ne se passerait pas comme ça ! ». Sur les nerfs depuis des mois, c’est sans doute la phrase de trop. Elle l’insulte, lui saute dessus, le griffe au cou et le traine jusqu’à la porte. Il a eu l’intelligence de rester zen, de ne pas réagir à l’agression physique et de partir immédiatement.

DiverCite.be : Il reste un an avant les élections communales, comment voyez-vous les choses pour les prochains mois ?

Ahmed El Khannouss : Elle est la seule à pouvoir répondre. Ce que je peux vous dire en tant que Molenbeekois de naissance, ancien échevin et acteur associatif depuis des décennies, c’est que Molenbeek a besoin d’une ou d’un bourgmestre qui soit capable d’œuvrer pour l’intérêt de ses habitants. Offrir un avenir meilleur en s’assurant de pouvoir répondre au besoin de la population. Assurer la bonne gouvernance et gérer la commune de manière prudente et raisonnable.

N'hésitez pas à partager !

Laisser un commentaire

Qu’elle s’affirme fièrement, qu’elle choque, crispe ou divise, la diversité est une réalité incontournable de nos sociétés. Elle trame nos régions, villes et quartiers et donne à voir un monde où les mobilités humaines se sont intensifiées. Divercite.be est un média belge francophone qui est né pour répondre au besoin de décrypter et d’analyser ces nouvelles réalités. Sa ligne éditoriale est entièrement et exclusivement consacrée à la diversité culturelle, ethnique, cultuelle ou de genre. Nouveau dans le paysage médiatique numérique, nous avons besoin de vous pour aller plus loin dans le travail que nous menons.
Soutenez-nous en vous abonnant ! S’abonner, c’est permettre à un nouveau journalisme d’enrichir le débat public par une vision aussi objective et sans concession, qu’humaine et proche de chacun. Divercite.be ne court pas après le buzz mais relaye l’actualité telle qu’elle est, sans parti pris.
Abonnez-vous à partir de 5 euros par mois ou 59 euros par an. Vous avez aussi la possibilité de découvrir uniquement les articles qui vous intéressent pour 1 euro.
Qu’elle s’affirme fièrement, qu’elle choque, crispe ou divise, la diversité est une réalité incontournable de nos sociétés. Elle trame nos régions, villes et quartiers et donne à voir un monde où les mobilités humaines se sont intensifiées. Divercite.be est un média belge francophone qui est né pour répondre au besoin de décrypter et d’analyser ces nouvelles réalités. Sa ligne éditoriale est entièrement et exclusivement consacrée à la diversité culturelle, ethnique, cultuelle ou de genre. Nouveau dans le paysage médiatique numérique, nous avons besoin de vous pour aller plus loin dans le travail que nous menons.
Soutenez-nous en vous abonnant ! S’abonner, c’est permettre à un nouveau journalisme d’enrichir le débat public par une vision aussi objective et sans concession, qu’humaine et proche de chacun. Divercite.be ne court pas après le buzz mais relaye l’actualité telle qu’elle est, sans parti pris.
Abonnez-vous à partir de 5 euros par mois ou 59 euros par an. Vous avez aussi la possibilité de découvrir uniquement les articles qui vous intéressent pour 1 euro.
 
 

JE SUIS DÉJÀ ABONNÉ