La malédiction de Verviers

©Photos: AFP

Alain Barbier, le chef de corps de la zone de police Vesdre l’annonce ce matin dans les colonnes de SudPresse: il faudra reloger 5.512 familles, soit plus de 10.000 personnes rien qu’à Verviers. Près de 20% des 56.000 verviétois vont devoir se trouver un nouveau toit sans délai. Le coup est rude et les capacités de résilience de la population déjà bien entamées. Ce sinistre, qui frappe l’ancienne cité lainière, est en réalité le dernier choc d’une longue série qui l’avait déjà bien affaiblie.

L’histoire de Verviers, c’est d’abord l’histoire de la longue et glorieuse épopée d’une industrie autrefois florissante, celle de la production lainière et de ses dérivés. A-t-on idée que l’homme le plus riche du Royaume de Belgique, sous le règne de Léopold II, est un industriel lainier verviétois ? L’histoire de l’industrialisation autour des métiers de la laine s’est arrêtée il y a pourtant déjà plusieurs décennies. Depuis lors, la ville de Verviers souffre silencieusement, comme ses voisines wallonnes, d’une désindustrialisation qui l’a lourdement appauvrie.

Citée, plus souvent qu’à son tour dans des dossiers de djihadisme, Verviers résiste tant bien que mal aux discours qui voudraient l’associer à la radicalisation violente. Si l’islam a pris sa place paisiblement dans la cité avec les travailleurs immigrés turcs et marocains, la dérive de quelques individus de la jeune génération durcit les termes du débat sur la gestion de la diversité culturelle et religieuse.  Car la ville s’est aussi transformée et diversifiée sur le plan des origines. Des vagues d’immigration successives l’ont constituée en un creuset d’intégration mais l’exploitation du dynamisme de la super-diversité de sa population actuelle bute encore trop souvent sur l’étroitesse des ressources d’une économie affaiblie.

L’image, devenue virale, d’un jeune verviétois de la diversité
qui sauve une habitante pendant les inondations de juillet 2021

La crise du COVID à laquelle est venue s’ajouter le naufrage collectif de la classe politique verviétoise depuis un an ne permet guère d’optimisme. Incapable de s’entendre sur un projet de développement cohérent, sans réelle capacité de peser sur les prises de décision aux niveaux de pouvoir supérieurs, Verviers n’est plus audible et n’est plus entendue. Le couple royal lors de sa première visite le lendemain des inondations ne fera même pas un arrêt dans la ville. On retiendra qu’il aura fallu un gros coup de gueule sur Twitter de l’ancien bourgmestre Claude Desama pour voir le couple royal venir à Verviers à l’occasion de la journée nationale de deuil du 20 juillet.

L’après inondation s’annonce douloureux. En témoignent les déclarations de la bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, qui évoque une « ville qui a besoin d’une aide comme dans les pays du Tiers-Monde ». On aimerait se dire que le riche passé de la ville, qui a souvent été avant-gardiste dans son histoire (la 1ère convention collective de travail y fut imaginée et signée) servira d’inspiration à ses citoyens pour puiser la force et les moyens de rebondir.

Mais ce dernier coup du sort, porté par la nature, pourrait aussi annoncer le début d’un déclin plus prononcé encore pour la ville et sa région. Verviers, la maudite, est le dossier sur lequel le gouvernement wallon devrait se pencher prioritairement. Son cas est d’une certaine manière exemplaire. La ville mériterait d’être le cœur de cible d’une stratégie et d’une méthode de relance et de reconstruction qui arrime l’arrondissement au développement des 3 autres bassins de la Province de Liège (Liège, Huy-Waremme et l’Ostbelgien). A défaut, Verviers deviendra une sorte de laboratoire dystopique pour toute la Wallonie et la porte d’entrée d’une vallée de la Vesdre fantôme.

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