Si les raisons des migrations actuelles sont la résultante de guerres, de famines ou de persécutions, à celles-ci s’ajoutent les violences physiques et sexuelles pour expliquer également le mouvement migratoire des femmes. C’est dans les années1990 que des chercheurs ont commencé à évoquer la« féminisation des migrations ». Mise en perspective des épouses et des mères qui quittaient leurs pays pour offrir une vie meilleure à leurs famille. Parmi elles, des femmes migrantes autonomes qui partaient seules rejoindre un pays occidental. Si dans l’immédiat après Seconde Guerre mondiale on les percevait comme « des suiveuses » de leurs maris immigrés économiques, aujourd’hui ce n’est plus toujours le cas.
La mobilité migratoire des femmes : sujet tabou ?
Selon Camille Schmoll, enseignante et chercheuse à l’université Paris-Diderot et membre du Groupe international d’experts sur les migrations : « L’image de la femme souffre d’un stéréotype ancré, qui remonte au moins à l’Antiquité. C’est l’idée que les femmes sont dans l’immobilité, dans l’attente, dans l’espace du foyer et de la reproduction de la famille. Elles sont donc dans l’ancrage tandis que les hommes naviguent. C’est une des raisons pour lesquelles on n’a pas parlé des migrations féminines pendant très longtemps. Cela paraît contre nature d’imaginer les femmes en mouvement.«
Pourtant, les femmes se déplacent d’un pays à l’autre mais également de village en ville dans leurs propres pays où elles subissent famines et violences. « Pour des raisons qui ont trait à nos représentations, on ne les voit pas dira encore Camille Schmoll.
Si les femmes sont si peu visibles dans le phénomène migratoire c’est aussi parce qu’elles suscitent moins de crainte dans l’opinion publique. Les hommes, souvent jeunes, virulents et déterminés, offrent l’image de migrants potentiellement dangereux et insécurisants pour nos villes. Par ailleurs, les femmes sont dans la volonté d’être invisibles. Elles répondent très rarement aux journalistes et refusent même d’apparaitre à l’écran lorsque des reporters se rendent dans les camps. Pourtant, leur parcours est, pour la grande majorité, incroyable et héroïque. Elles traversent des milliers de kilomètres, affrontent des situations où leur vie et celles des leurs sont menacées mais elles refusent d’en parler comme pour relativiser les drames qui se sont joués.
Davantage vulnérables durant le parcours migratoire
D’après les chiffres des Nations-Unies, les femmes représentent 51 % de la population migrante mondiale à destination de l’Europe et 20 % d’entre-elles y arrivent par bateau.
Comme elles sont plus nombreuses à partir, elles sont aussi plus nombreuses à mourir avant d’arriver à destination. Leurs fragilités et leurs vulnérabilités à toutes de sortes de violences en seraient la principale cause. Les différentes ONG qui travaillent avec cette catégorie de personnes avancent que dans le processus de migrations les femmes sont aussi fragiles que les mineurs d’âge. Les femmes, les enfants et les adolescents sont les premières victimes mais les hommes aussi subissent des violences atroces, y compris sexuelles.
Camille Schmoll, affirme que Les violences physiques et sexuelles semblent être devenues quasi systématiques, notamment en Libye, comme l’auraient affirmé des femmes rencontrées à bord de l’Ocean Viking ( navire de sauvetage de l’ONG SOS Méditerranée). Elle note également le manque de prise en charge psychologique, une fois arrivées sur les côtes européennes. Les médecins, peu nombreux, s’attèlent aux premières urgences et elles sont d’abord physiques.
Les femmes quittent leurs pays pour des raisons bien précises et toutes ont des histoires à la fois singulières et communes. Si certaines sont accompagnées d’un mari, d’autres en sont séparées parce qu’il est mort en cours de route ou enfermés dans une prison en Libye ou ailleurs.
Camille Schmoll fait également et justement remarquer « qu’il est essentiel de critiquer cette notion de ‘femme migrante’. D’abord parce qu’en effet, elles ont des origines, des histoires et des trajectoires très diverses. C’est le danger de l’essentialisation que de vouloir considérer qu’il y a une condition féminine en migration. En réalité, elles sont très différentes les unes des autres. Entre l’Érythrée, la Somalie, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Maghreb… Elles viennent de pays et de contextes très divers. ».
D’autres raisons que la faim et la guerre…
Toutes ne sont pas issues de milieux pauvres. Parfois elles ont été scolarisées aux lycées, collèges où dans à l’université. En Syrie, les mois qui ont suivi le déclenchement de la guerre civile, beaucoup de femmes migrantes étaient enseignantes, dentistes, juristes ou ingénieurs. Il faut donc impérativement distinguer les différentes formes de migrations féminines pour les comprendre et mieux cerner leurs motivations.