Ce 21 mars, journée internationale de lutte contre les discriminations raciales, Libération publiait une tribune qui fera date. Co-signée par plus de 160 personnalités du monde des médias (journalistes, photographes, techniciens, …) et soutenue par un collectif de syndicats et d’organisations, ce texte appelle à la création d’une association de journalistes antiracistes et racisé.e.s.
C’est par ces termes que commence l’appel du collectif: « Nous sommes journalistes de presse écrite, web, radio, télévision et photographes. Nous sommes, par nos histoires, nos origines ethniques, nos couleurs de peau, nos religions, concerné·e·s par le racisme dans la société française, y compris dans les médias. Nous avons décidé de créer l’Association des journalistes antiracistes et racisé·e·s (AJAR) pour s’attaquer au racisme dans le journalisme. »
Le constat n’est pas neuf. Les rédactions françaises – mais la situation est-elle différente ailleurs en Europe ? – restent peu accessibles aux minoritaires. Leurs carrières sont aussi jalonnées par des vulnérabilités sociales et des discriminations raciales. C’est dans l’optique de lutter contre ces fléaux que s’est constitué cette nouvelle association à l’intérieur même de la profession. Cette riposte constitue un tournant. Jusque là, confinée dans les milieux associatifs et militants classiques, la lutte contre le racisme s’élargit et s’organise à présent au coeur même des grands médias mainstream français. Mais, paradoxalement, cette initiative est aussi le résultat d’un début de diversification des médias français qui a commencé il y a environ deux décennies.
A l’évidence, cette ouverture relative à la diversité ne se fait pas sans douleur. Et la simple existence de cette nouvelle association contribue d’ores et déjà à mettre en lumière les multiples trajectoires de marginalisation, d’exploitation et d’invisibilisation que génère le monde des médias français, des écoles de formation jusqu’aux rédactions. Sur son compte Twitter @AJARacisees, l’AJAR multiplie les témoignages édifiants de journalistes ou d’étudiants en journalisme victimes de préjugés, d’agressions verbales et de discriminations. En quelque jours à peine, le compte de l’association compte déjà plus de 3600 followers. Ce n’est sans doute pas anodin que cette nouvelle initiative de résistance provienne de France, pays où la combinaison des tensions identitaires et sociales s’expriment de manière paroxystiques. Pays des Lumières menacé par l’obscurité, où ils semblent tous les jours plus nombreux à penser, erronément, qu’une posture autoritaire de la majorité pourra constituer une réponse adéquate au sentiment du déclin.