William Dorsey Swann, première drag queen de l’histoire américaine

Début mars, la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal, s’indignait sur son compte Twitter d’une vidéo produite par le site Origines où l’on voyait des enfants en conversation avec des drag-queens et des drag-kings.  L’objectif de la vidéo était de permettre aux plus petits de « s’ouvrir aux différentes personnalités existantes dans le monde, et de les habituer dès le plus jeune âge à la tolérance ». Marion Maréchal dénonçait une “campagne de promotion des drag-queens  à laquelle les petits français seraient soumis dans les écoles, les bibliothèques ou les médias avec comme objectif de déstabiliser tous leurs repères dans une période où ils se construisent” 

Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont offert une tribune d’expression à toutes les voix minoritaires désireuses de se faire entendre. La culture des drag-queens et des drag-kings est ancienne et fait partie d’un mode de vie peu connu avant les marches pour les droits des LGBTQIA+ ou des gays pride dans de nombreuses villes du monde occidental.

 Cette polémique est l’occasion pour nous de revenir sur la première drag-queen de l’histoire : William Dorsey Swann.

Né esclave en mars 1860, il est le cinquième enfant d’une famille protestante qui en compte 13. Après la libération des esclaves par les soldats de l’Union et l’application de la Proclamation d’émancipation, ses parents deviennent fermiers et William devient serveur dans un hôtel. Après un passage par la case prison pour vol, il organise, dès l’année 1880, une série de drag-balls dans la capitale américaine Washington. La grande majorité des invités étaient des Afro-Américains qui se présentaient à la soirée en robes longues et distinguées.  Anciens esclaves et drag queens rebelles, ils se faisaient appeler la « Maison de Swann ».

 Y.M.C.A ( Young Men’s Christian Association) , chanté par les Village People, leader de la culture gay des années 1970.

W. Dorsey Swann, pour garder secrètes les soirées dont il était l’organisateur, faisait passer les invitations via des endroits comme l’Union Chrétienne des Jeunes Hommes, mouvement de jeunesse chrétien uniquement pour les hommes. La YMCA est aujourd’hui considérée comme la plus ancienne et la plus grande association de jeunesse au monde.

Dans ces soirées très privées, Swann a participé à la popularisation de la mode du cakewalk qui, à l’origine, était une manière pour les esclaves de parodier leurs maitres qui s’habillaient pour aller en soirée dansante. Les historiens de la danse affirment que le cakewalk a donné naissance au voguing très pratiqué dans les années 1970 dans les clubs gays et particulièrement dans les « Balls » que fréquentaient les homosexuels et les transgenres afro-américains à New York.

Swann a été dénoncé et des descentes musclées de police ont été faites à plusieurs reprises. C’est le premier cas prouvé et documenté « d’arrestation pour usurpation d’identité féminine aux États-Unis ». Nous sommes alors le 12 avril 1888 et la soirée célébrait son trentième anniversaire. Selon le journal américain le Washington Post, « il était paré d’une magnifique robe de satin couleur crème« . L’homme n’a pas été arrêté sans protestation et son acte de résistance est « l’un des premiers exemples connus de résistance violente au nom des droits des homosexuels », selon Channing Joseph son biographe.

D’autres convives ont été arrêtés ce soir là et selon les articles parus à l’époque : « douze autres hommes afro-américains ont été arrêtés lors de la descente policiaire et jusqu’à dix-sept autres se sont échappés». Les invités de Swann qui furent arrêtés ont vu leurs noms publiés dans les journaux, ce qui fit scandale dans leur entourage et conduisit par la suite leur mort sociale. Les fêtes s’avérèrent plus compliquées à organiser et la peur des convives de voir leurs noms révélés au grand jour était plus forte.

En 1896, Swann a été traduit en justice et condamné à 10 mois de prison pour avoir « diriger un bordel » alors qu’il s’agissait d’un  drag ball. Il demande alors une grâce au président de l’époque Grover Cleveland qui la lui refuse. Aujourd’hui, on peut affirmer que William Dorsey Swann « a été le premier Américain enregistré à avoir poursuivi une action juridique et politique pour défendre le droit de la communauté LGBTQ de se rassembler ». William Dorsey Swann est mort le 23 décembre 1925 à l’âge de 65 ans. Après sa mort, sa maison a été brulée par les autorités locales. En tant qu’Afro-américain et homosexuel il a été l’initiateur du mouvement des drag queens homosexuels de couleur.

En 2022, la « Dupont Circle Advisory Neighborhood Commission » (Commission consultative de quartier) a approuvé une résolution déclarant que Swann Street, une route d’un quartier de la capitale américaine Washington porterait le nom complet : William Dorsey Swann pour ne pas la confondre avec Thomas Swann politicien et propriétaire d’esclaves au 19 -ème siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N'hésitez pas à partager !

Laisser un commentaire

Qu’elle s’affirme fièrement, qu’elle choque, crispe ou divise, la diversité est une réalité incontournable de nos sociétés. Elle trame nos régions, villes et quartiers et donne à voir un monde où les mobilités humaines se sont intensifiées. Divercite.be est un média belge francophone qui est né pour répondre au besoin de décrypter et d’analyser ces nouvelles réalités. Sa ligne éditoriale est entièrement et exclusivement consacrée à la diversité culturelle, ethnique, cultuelle ou de genre. Nouveau dans le paysage médiatique numérique, nous avons besoin de vous pour aller plus loin dans le travail que nous menons.
Soutenez-nous en vous abonnant ! S’abonner, c’est permettre à un nouveau journalisme d’enrichir le débat public par une vision aussi objective et sans concession, qu’humaine et proche de chacun. Divercite.be ne court pas après le buzz mais relaye l’actualité telle qu’elle est, sans parti pris.
Abonnez-vous à partir de 5 euros par mois ou 59 euros par an. Vous avez aussi la possibilité de découvrir uniquement les articles qui vous intéressent pour 1 euro.
Qu’elle s’affirme fièrement, qu’elle choque, crispe ou divise, la diversité est une réalité incontournable de nos sociétés. Elle trame nos régions, villes et quartiers et donne à voir un monde où les mobilités humaines se sont intensifiées. Divercite.be est un média belge francophone qui est né pour répondre au besoin de décrypter et d’analyser ces nouvelles réalités. Sa ligne éditoriale est entièrement et exclusivement consacrée à la diversité culturelle, ethnique, cultuelle ou de genre. Nouveau dans le paysage médiatique numérique, nous avons besoin de vous pour aller plus loin dans le travail que nous menons.
Soutenez-nous en vous abonnant ! S’abonner, c’est permettre à un nouveau journalisme d’enrichir le débat public par une vision aussi objective et sans concession, qu’humaine et proche de chacun. Divercite.be ne court pas après le buzz mais relaye l’actualité telle qu’elle est, sans parti pris.
Abonnez-vous à partir de 5 euros par mois ou 59 euros par an. Vous avez aussi la possibilité de découvrir uniquement les articles qui vous intéressent pour 1 euro.
 
 

JE SUIS DÉJÀ ABONNÉ