C’est en tout cas une hypothèse réaliste selon Hassan Nasrallah, le chef du mouvement chiite libanais Hezbollah. Lors d’une allocution très attendue prononcée ce vendredi 3 novembre 2023, Nasrallah a gardé toutes les options ouvertes pour une intensification du conflit, notamment sur la frontière nord d’Israël. Nasrallah a également fait savoir que l’opération menée par le Hamas contre les populations civiles israéliennes le 7 octobre 2023 avait été planifiée et organisée sans concertation ou coordination avec l’Iran ni avec une quelconque autre partie.Les attaques par drones et rockets menées par les Houthis yéménites contre Israël et celles menées par les factions chiites irakiennes contre des bases américaines depuis la mi-octobre ont été présentées par Nasrallah comme de « sages décisions« .
Toutefois comme cela était attendu par de nombreux observateurs (voir ici), le leader chiite libanais a habilement tracé une voie étroite entre un discours martial ciblant Israël et les Etats-Unis mais évitant soigneusement toute déclaration d’entrée en guerre, dont le Liban tout entier aurait à répondre. Si le discours de cet après-midi ne s’inscrit pas comme une rupture, il est toutefois loin d’être anodin. La préparation de ce discours, sa mise en scène médiatique et le teasing entretenu depuis trois jours à son sujet en ont fait un rituel de mobilisation verbale qui visait non seulement à parler aux populations arabes du croissant chiite (qu’on retrouve en Irak, au Liban, au Yémen, en Syrie, etc.) mais également à l’ensemble du monde arabe sunnite et plus largement à l’ensemble du monde non-occidental. Cette adresse contribue à replacer symboliquement le Hezbollah et son parrain iranien en première ligne des soutiens à la population martyrisée de Gaza.
A quoi faut-il s’attendre dans les prochaines semaines ? Faut-il s’attendre à une guerre totale au Moyen-Orient ? Tous les ingrédients semblent rassemblés pour une régionalisation progressive du conflit. Le leader du Hezbollah a pointé dans son discours la responsabilité des USA dans l’impunité dont jouit Israël dans son opération militaire; une opération visant selon les termes du PM israélien Netanyahou à détruire le Hamas mais dont le monde est témoin qu’elle détruit sans discernement tout un territoire et sa population. Nasrallah sait qu’il joue sur une corde sensible et c’est pour cela qu’il faut s’attendre à ce que les intérêts américains au Moyen-Orient, et dans le monde, soient plus largement menacés encore qu’ils ne le sont aujourd’hui. A un an des élections présidentielles américaines, autant dire que la marge de manoeuvre de Joe Biden est étroite et que le développement de la campagne américaine ne plaide pas en faveur d’une solution d’apaisement à court-terme qui serait basée sur une politique de retenue imposée à l’armée d’Israël.