Neuf personnes au moins ont été tuées à Gaza ce samedi dans la flambée de violence provoquée par une offensive du Hamas contre Israël suivie par des frappes aériennes israéliennes sur ce petit bout de territoire contrôlé par ce mouvement palestinien. Pour nous éclairer sur la situation, DiverCite.be a rencontré Hassan Albalawi, Premier Conseiller à l’Ambassade de Palestine en Belgique.
Entretien
DiverCite.be : quelle est votre réaction face à cette flambée de violence entre le Hamas et Israël ?
Hassan Albalawi : Bien entendu, je m’inquiète de la grave situation et de l’escalade sur le terrain. Je ne suis pas pour la violence, à commencer par celle que provoque l’occupation israélienne de la Palestine depuis 75 ans et qui est l’origine de toutes les violences dans la région. Mais, il faut le reconnaitre, la puissance d’occupation israélienne profite chaque jour un peu plus de l’indifférence de la communauté internationale vis-à-vis la question palestinienne. Ses relations avec un certains nombres d’États dans le monde, y compris arabes, asseoit plus encore sa toute-puissance sur les Palestiniens.
Ce que nous démontre l’actualité récente dans les territoires palestiniens, c’est qu’Israël peut conclure autant d’accords qu’il veut, mais s’il ne fait pas la paix avec les Palestiniens, dans le cadre du droit international, il ne sera jamais en sécurité. Quand Netanyahou exhibe une carte devant les Nations Unies et dit qu’il n’y a pas d’État palestinien et que tout appartient à Israël, c’est une vraie provocation et un appel direct à l’affrontement.
DiverCite.be : Ne craignez-vous pas les conséquences d’une contre-offensive pour les Palestiniens ?
Hassan Albalawi : Nous sommes habitués aux conséquences et aux ripostes israéliennes, lourdes humainement et matériellement. Les différentes chancelleries internationales qui s’expriment avec Israël, ne font pas grande chose sur le terrain, à part des communiqués, pour mettre fin à l’occupation israélienne et à son lot de violences qui se déploie tous les jours dans l’ensemble du territoire palestinien occupé en ce compris à Jérusalem-Est. Aujourd’hui, je pense qu’une forte majorité des Palestiniens dans le monde vit un sentiment de fierté. Passer la frontière, capturer des chars avec des soldats israéliens, c’est énorme ce qui se passe. C’est un tournant dans notre histoire.
DiverCite.be : Ce qui se passe à partir de Gaza est une vraie surprise aussi pour beaucoup de Palestiniens ?
Hassan Albalawi : À chaque fois qu’il y a une répression et/ou une attaque israéliennes, je pense à la mosquée Al Aqsa. A chaque fois qu’Israël applique sa politique violente l’égard du peuple palestinien en Cisjordanie, il y a toujours des réactions et des tirs de roquettes depuis la bande de Gaza contre des localités israéliennes. C’est donc une scène à laquelle les Palestiniens sont habitués.
Ce qui est nouveau, c’est que des unités de la résistance palestinienne ont pu franchir la frontière qui encerclait la bande de Gaza depuis 17 ans. Il y a un blocus total pour plus de 2 millions de personnes sur une surface de 365 km2 qui ne permet pas de communication avec la Cisjordanie.
Aujourd’hui, le fait que des centaines de militaires palestiniens aient franchi les frontières en capturant des chars et des soldats en diffusant ces images au monde entier est historique. Ce sont des actes héroïques. Cela nous rappelle les faits qui se sont déroulés en 1987, avec l’affaire de la Nuit des Planeurs[1]. Les Palestiniens ont besoin d’une telle opération pour en finir avec le sentiment perpétuel de domination.
DiverCite.be : Pourquoi aujourd’hui ? Y a-t-il une symbolique particulière de ce mois d’octobre 2023 ?
Hassan Albalawi : Ces derniers jours on commémore 50 ans de la guerre du Kippour ou guerre du Ramadan ou encore guerre d’Octobre 1973. Le conflit avait opposé les deux camps du 6 au 24 octobre 1973, lorsqu’une coalition militaire arabe menée par l’Égypte et la Syrie avec la participation de la résistance palestinienne avait attaqué Israël et fait une victoire militaire arabe.
Octobre 2023 est un tournant dans l’histoire des territoires occupés parce que nous vivons une sorte de retour de situation qui redonne de l’espoir aux Palestiniens alors qu’ils vivent des attaques quotidiennes dans la plus grande indifférence internationale sous l’impulsion du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir. Lorsqu’un ministre israélien vous dit que le village de Hawara à Naplouse est Israélien, c’est une provocation et ça nourrit le ressentiment. Il faut savoir aussi qu’il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait des propos ou des actes de violence à l’égard des Palestiniens. Chaque jour il y a un ou deux morts par le fait des colons ou de Tsahal ou des deux ensembles. Lorsque Netanyahou refuse l’idée d’un État palestinien à l’ONU, il divulgue le cap de sa politique devant le monde entier. Nous sommes faces à un échec diplomatique international après toutes les tentatives que nous avons connues depuis des décennies. Les Palestiniens n’ont pas le choix, ce qui s’est passé ce matin est une réponse naturelle.
DiverCite.be : Tout le peuple palestinien est aujourd’hui derrière les actes du Hamas ?
Hassan Albalawi : Absolument. La majorité écrasante approuve. Un sentiment de fierté est né chez tous les Palestiniens. Un sentiment de dignité qui se traduit par « Nous aussi nous pouvons faire des choses et imposer des dégâts importants à l’armée israélienne qui est la plus puissante dans la région, prendre en otages des Israéliens»
DiverCite.be : On ne peut pas ignorer que les conséquences seront dévastatrices pour les Palestiniens ?
Hassan Albalawi : Depuis 2009, Gaza a connu cinq guerres consécutives menées par l’armée d’occupation, avec comme conséquence des milliers de morts, de blessés et des destructions. Les Palestiniens sont toujours sous blocus total à Gaza. On s’attend à des représailles effectivement. D’ailleurs elles ont déjà commencé par des bombardements ce matin.
DiverCite.be : les Nations Unies et la communauté internationale qui jouent un rôle essentiel dans la gestion de la question palestinienne condamnent ces attaques. Quelle réaction cela vous inspire-t-il ?
Hassan Albalawi : Et cette Communauté internationale que fait-elle tous les jours pour les Palestiniens ? Ce qui se passe aujourd’hui montre justement qu’elle ne fait rien depuis des années. C’est une manière de lui dire qu’il est temps qu’elle fasse le nécessaire pour arrêter l’occupation israélienne et d’appliquer des sanctions comme cela se passe pour le moment en Ukraine. Lorsque Poutine est entré en Ukraine, les sanctions internationales sont tombées tout de suite. Tout cela montre une de fois de plus que la Communauté internationale applique une politique de deux poids, deux mesures.
[1] La nuit des planeurs est une attaque menée le 25 novembre 1987 par un commando palestinien composé de 4 combattants, dont un Tunisien et un Syrien. Ils utilisent leurs planeurs contre le camp de Ghibur près de la région de Beit Hilal. Cette attaque a entraîné la mort de 6 soldats israéliens et infligé des blessures à 8 autres. Cela a également abouti à l’arrestation d’un des auteurs. Les quatre ont ensuite été exécutés.