1954/2024 : l’appel de l’abbé Pierre pour les sans-logis a 70 ans ce 1 février

Il y a 70 ans aujourd’hui, jour pour jour, que Henri Grouès, plus connu sous le nom de l’abbé Pierre, lançait un appel déchirant en faveur des sans-abris. L’hiver 1954, l’un des plus froids du XXe siècle fera plusieurs centaines de morts dont des enfants. Toute la France est surprise par la vague de froid et les chutes de neige.

L’abbé Pierre, fondateur en 1949 du mouvement d’Emmaüs, lance un appel à la radio Luxembourg à Paris « Mes amis, au secours, une femme vient de mourir, gelée, cette nuit, à 3 h, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain(…) »

Le début de l’année 1954 est particulièrement froid. Une première vague, avec de terribles chutes de neige, tombe sur le  nord et le nord-est de la France. Des températures  qui descendent jusqu’à −10 °C avec un record à – 30 °C à Wissembourg commune alsacienne. Mais le pire n’arrivera que fin janvier, début février avec une seconde vague de froid qui, cette fois, touchera toute la France et d’autres pays européens. Les cours d’eau gèlent et les températures descendront jusqu’à −25 °C dans plusieurs villes. Le 5 et le 6 février, une tempête de neige s’abattra même dans le midi de la France et en deux jours, il tombera 85 cm de neige à Perpignan. Du jamais vu pour beaucoup de gens de l’époque pris au dépourvu d’une météo meurtrière.

 Les germes du combat

Le combat de l’abbé Pierre pour les oubliés de la vie, c’est très tôt qu’il le mène. En 1940, il est vicaire à Grenoble quand il met à l’abri deux juifs sauvés d’une rafle et venus se réfugier dans l’église. Il entre dans la Résistance en 1942 et participe à faire transiter des juifs en Suisse avec de faux papiers qu’il participera à imprimer.

Après la guerre, il devient député du MRP, Parti chrétien démocrate issu de la Résistance. Ne cachant pas « son absence de sens politique », pacifiste convaincu, Henri Grouès déconcerte vite son parti par ses prises de position de gauche. Déjà, il se bat pour le droit au logement, inscrit en 1946 dans le préambule de la Constitution. « Il existe une misère extrême. C’est là que doit porter notre effort d’abord », défend-il. Député atypique, il fera dont de ses indemnités parlementaires aux sans-abris.

Emmaüs pour l’espoir

C’est dans une grande demeure délabrée de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) qu’en 1947, et avec sa secrétaire particulière Lucie Coutaz, qu’il crée les bases de son mouvement. D’abord « auberge de jeunesse internationale », la maison verra naître la communauté Emmaüs, qui propose aux exclus de récolter eux-mêmes, à l’image des « chiffonniers », les surplus des nantis, rompant avec la charité traditionnelle.

« Un ancien bagnard désespéré » deviendra le premier compagnon d’Emmaüs. Fin 1949, une première famille expulsée de son logement est accueillie. L’abbé Pierre et ses compagnons commencent la construction d’hébergements. Des tentes et abris de fortune deviennent « cités d’urgence », l’abbé s’oppose aux permis de construire réclamés par l’Administration.

En 1952, il gagne 256.000 francs au jeu « Quitte ou double » sur Radio Luxembourg, aussitôt consacrés à l’achat d’un camion et de nouveaux terrains.

L’hiver 1954 participera à forger son mythe

Le 1er février 1954, l’abbé Pierre est à bout. La France grelotte et les pauvres sont les premières victimes de la température. Son appel, à la radio, va provoquer ce qui deviendra « l’insurrection de la bonté ».

L’impact est immédiat dans la France d’après-guerre où manquent des millions de logements : les dons affluent, des bénévoles proposent leurs services et des entreprises leur soutien. Le gouvernement lance un « plan d’urgence » de 12.000 logements « de première nécessité ».

La trêve hivernale des expulsions locatives, instaurée par une loi de 1956, est directement issue de cet appel.

 

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