« Mon histoire, c’est celle d’un Français, d’un arabe, d’un musulman, d’un gay et de quelqu’un qui a cherché à devenir joueur de football professionnel, jusqu’à ce que je comprenne que c’était pas compatible avec mon homosexualité. »
C’est en ces termes que Ouissem Belgacem parle de lui dans un entretien accordé au site BRUT dans la foulée de la sortie de son autobiographie, écrite en collaboration avec Éléonore Gurrey, où il raconte comment, très tôt dans sa vie, il se sent attiré par les garçons.
Intégrant dès l’adolescence le Toulouse Football Club, il se bat contre ses penchants, conscient que dans le monde qu’il a choisi d’embrasser l’homophobie est profonde. Il préfère alors le silence pour aller jusqu’au bout de son rêve footballistique. Il portera les couleurs de l’équipe nationale de Tunisie pour une coupe d’Afrique des Nations mais c’est l’équipe de France qui le faisait rêver. Après des mois de tourments psychologiques, il renonce à sa carrière car il sait l’incompatibilité entre foot et homosexualité. Si pendant des années il parvient à refouler son identité, il décide aujourd’hui de faire son coming-out pour faire changer les mentalités dans ce monde du ballon rond où « testostérones, belles filles et belles voitures » sont les attributs nécessaires du joueur accompli.
Venir d’un quartier populaire, d’une famille musulmane et évoluer dans le monde professionnel du ballon rond ne permet pas d’assumer son homosexualité
Et c’est ainsi que le jeune Ouissem, pour éviter les remarques, s’invente une vie. Dans le vestiaire, il frime sur ses « conquêtes », des copines qu’il aurait séduit, un homme à femmes éternel célibataire pour ne pas mettre la puce à l’oreille des co-équipiers.
Il se rêve hétéro et va même jusqu’à consulter des psys, les priant de l’aider à changer de sexualité. Tous son unanimes, il doit accepter ce qu’il est. A 20 ans, épuisé par le rôle qu’il joue depuis l’enfance, il décide de renoncer au sport de haut niveau. » J’ai usé toute mon énergie physique et mentale pour vouloir changer. Je devais faire un choix entre mon épanouissement personnel et ma carrière professionnelle pour ma santé mentale. J’étais dans une spirale destructrice. Je m’inventais une vie, des copines… Je faisais tout pour changer mais ce n’est pas possible. » Dira-t-il dans un entretien accordé à RMC Sport. Il avouera aussi, sentant son désir pour les garçons croître avec l’âge, le vivre comme un cancer qui le rongeait.
Aujourd’hui, Ouissem Belgacem reconnait avoir très peu d’encouragement si ce n’est celui de ses proches. Le monde du foot lui exprime son soutien mais du bout des lèvres. Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football et représentant de l’UEFA au sein du conseil de la FIFA lui-même s’est dit : « contre l’arrêt des matchs en cas de chants homophobes venus des tribunes. » Ouissem, remarque face aux propos de Le Graët, qu’une opinion homophobe, en France, c’est un délit et doit être sanctionné comme tel. Pour lui, les clubs et la Fédération française de football doivent exiger que les joueurs stars s’impliquent.
Aujourd’hui Ouissem Belgacem est entrepreneur, il a fondé et dirige OnTrack, un organisme de formation professionnelle pour footballeurs et grand public tout en menant son combat contre l’homophobie dans le sport en général et le foot en particulier.
Adieu ma honte
Ouissem Belgacem et Eleonore Gurrey
Fayard 2021