Il y a deux ans naissait le site DiverCite.be. Après trois mois d’incubation dans la plus grande discrétion, c’est le 26 avril 2021 qu’il a été porté au grand jour et médiatisé sur les réseaux sociaux. C’est le moment idéal pour dresser un premier bilan intermédiaire. Bien que le projet soit encore plein de promesses et de nouveaux défis à relever, il nous a paru intéressant de nous arrêter un instant pour faire le point sur l’initiative et pour nous adresser à vous de manière directe pour partager à la fois nos motifs de joie et de satisfaction, mais aussi de préoccupation et de doute.
La régularité au quotidien
Au point de départ, DiverCite.be a fait le pari d’informer et décrypter l’activité saillante de la diversité de manière quotidienne. Notre objectif initial était de mettre en ligne une publication par jour. De ce point de vue, le défi est atteint. C’était d’ailleurs un choix porteur d’aborder la diversité dans son actualité la plus immédiate. Ces questions sont devenues tellement centrales que la matière dépasse très souvent nos capacités à couvrir tous les sujets qu’on aimerait aborder. Il y a aujourd’hui incontestablement place pour une couverture quotidienne et variée des questions de diversité en Belgique francophone et au-delà. Nous savons que nous pouvons encore monter en puissance en étant plus présents encore sur les sujets d’actualité brulante et nous sommes prêts à relever le défi dans le futur.
La croissance du lectorat
Le deuxième enjeu consistait à rassembler une communauté de lecteurs et de soutiens. Les soutiens ont été nombreux et nous avons pu les rassembler dans un comité qui nous accompagne de ses conseils de manière bienveillante. Au lancement du site, nous espérions atteindre le millier de lecteurs par mois. Aujourd’hui, nous sommes à 3.500 lecteurs par mois et la croissance se poursuit, notamment grâce à nos réseaux sociaux. Nous avons l’intention d’aller bien plus loin en répondant encore mieux aux attentes de nos lecteurs.rices. Nous avons appris à mieux les connaitre et à mieux identifier leurs attentes. Ielles sont en majorité jeunes. Plus de 60% ont moins de 35 ans. 54% sont des hommes et 45% des femmes. Le lectorat du site est centré sur la Belgique et la France (40% et 18% des lecteurs respectivement). Mais on a été rapidement surpris de constater que le site rayonne bien au-delà, notamment au Maghreb (Algérie 23%, Maroc 4%, Tunisie 2%) et aux États-Unis (3%).
Affirmer une ligne éditoriale claire
Aujourd’hui, le mot diversité s’utilise comme un passe-partout, une clé magique, un mot-valise. Y a-t-il qualification plus englobante et plus cool pour parler de ce qui construit nos sociétés dans la douleur depuis la deuxième partie des années 1940 jusqu’à ce début de premier siècle du nouveau millénaire ? À y regarder de plus près, qui ne ferait pas partie de la diversité ? Quel individu ne serait-il pas le différent de l’Autre qui ferait de lui, par la même occasion, le singulier d’une communauté ? Dans le débat d’aujourd’hui, l’homme accablé de toutes les dominations, l’homme blanc de 50 ans à succès, n’en vient-il pas lui-même à revendiquer sa singularité au nom du respect de la diversité ? Le diversity-washing est déjà plus qu’une tentation. Il bât son plein.
Le dictionnaire nous dit que la diversité est l’ensemble des personnes qui diffèrent les unes des autres. Cette différence peut l’être par l’origine géographique, le fait socioculturel, le fait religieux, l’âge, la couleur de peau, le sexe, l’origine, le handicap, l’orientation sexuelle… A l’exact opposé des théories nationalistes du 19e siècle qui rêvaient la nation comme un tout homogène, le citoyen d’aujourd’hui sait que la communauté nationale est constituée par ses différences et qu’il nous faut leur trouver un espace d’expression. Ce sont précisément ces constats qui ont conduit à l’idée de créer la plateforme Divercite.be il y a deux ans.
Défense et illustration de la diversité de la diversité
L’exercice ne fut pas simple. Trouver un axe cohérent et construire une ligne éditoriale irréprochable quant à la manière de parler des diversités demande des aptitudes d’équilibriste à qui l’on ne pardonnera aucun déséquilibre. Comment évaluer la diversité ? Comment la représenter ? Comment la résumer ou au contraire participer à son rayonnement ? Construire un média démocratique et nuancé, puis le guider au jour le jour, c’est tenir les rênes d’un attelage à six chevaux sur un sentier étroit avec la vivacité d’esprit de lâcher du lest tantôt à gauche tantôt à droite.
Depuis la création de Divercite.be, nous avons toujours eu conscience que la diversité n’est pas un consensus. Les mondes de la diversité sont fracturés, traversés par des lignes de tension parfois violentes. Nous y sommes confrontés en permanence sur les dossiers qui touchent à l’islam et aux musulmans. Dans ce contexte, Divercite.be a eu comme ambition et fil directeur le respect de la pluralité des perspectives, le respect des opinions divergentes, le respect des convictions antinomiques, bref le respect des lecteur.rices dans ce qui les construit avec leurs histoires personnelles et leurs acquis. Offrir un espace à nos lecteurs afin qu’ils expriment ou retrouvent parmi nos publications – avec l’humilité qui doit nous caractériser face au foisonnement et à la complexité de l’actualité – ce qui peut l’aider à mieux comprendre et décrypter le monde qui l’entoure.
Comme l’avait si poétiquement écrit Nicolas Boileau au XVII siècle « Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage (…) ». En posant un regard sur le travail accompli au cours de ces deux années, nous éprouvons la satisfaction d’avoir relevé le défi que nous nous étions assigné. Mais il reste énormément à faire. Nous allons donc continuer à observer le monde de la diversité tel qu’il est et non pas tel que nous nous le projetons, en refusant la concession dans le traitement de la vérité, en offrant la même valeur aux avis différents pour peu qu’ils soient respectueux des principes qui fondent notre modèle de société démocratique et en offrant l’équité aux voix dissonantes.
Si nous sommes là où l’on nous attendait, c’est avouons-le un beau succès. Si nous sommes là où on ne nous attendait pas, c’est là aussi, reconnaissons-le, une belle réussite. Quels que soient les avis exprimés, les sentiments favorables ou les ressentiments, les succès d’estime ou la critique, nous les accueillons toujours comme un moyen de progresser et une invitation à devenir meilleurs. Le cardinal italien du XVe siècle Luca Manzoli a fait florès en rappelant l’évidence que: « Rome ne s’est pas faite en un jour ». Toute proportion gardée, osons rêver d’une aventure qui continuera à tenir sa promesse d’être au cœur de l’actualité de la diversité le plus longtemps possible.