Le harcèlement scolaire demeure un problème grave dans nos sociétés. Il affecte la vie et l’épanouissement de nombreux enfants et adolescents. Ce phénomène, sous-estimé ou mal compris, a des conséquences graves sur la santé mentale et émotionnelle de nombreux jeunes. L’ampleur du phénomène est au-delà de ce que nous pouvons imaginer. DiverCite.be a rencontré Carole. Elle nous fait part de son enfer au sein de son école depuis des mois.
Carole (nom d’emprunt) a 16 ans. Longs cheveux auburn et teint pâle, cette jeune fille est scolarisée dans une école du Hainaut et plus exactement dans une commune située à l’extrémité ouest du sillon Sambre-et-Meuse. Nous n’en dirons pas plus. Carole vit depuis septembre 2023 un véritable calvaire dans son établissement. Menacée de mort par un jeune garçon qui ne se prive pas de venir à l’école avec un couteau. Elle porte plainte, mais la police « ne bouge pas » et la popularité du « bad boy » au sein de l’établissement est telle que c’est Carole qui passe pour une affabulatrice. Elle est désormais rejetée de tous pour avoir porté plainte. Lorsque nous la rencontrons, elle est en larmes et tremble de tout son corps en nous racontant son histoire.
Décrochage scolaire, dépression, pensées suicidaires…
Carole nous avoue avoir décroché scolairement. Les ricanements, l’isolement et les brimades des autres élèves, elle le vit comme une injustice profonde. Le harcèlement répété et agressif dirigé contre elle n’est pas pris en compte par son entourage, en tous les cas pas suffisamment. Les manifestations de son harcèlement sont plurielles : insultes, propagation de rumeurs malveillantes, exclusion sociale au sein de son école, cyberharcèlement… tout cela visant à l’intimider et à l’humilier. Ces actes se produisent à l’école, mais aussi à la sortie de l’établissement scolaire où son bourreau l’attend pour la menacer.
Dynamique sociale
Lorsque le harceleur a jeté son dévolu sur une proie, comme c’est le cas pour notre témoin, un jeu de domination qui joue en sa faveur se met en place. Il cherche alors souvent à établir sa supériorité en intimidant le plus faible et en mettant l’accent sur les différences liées aux apparences, à l’origine, la religion ou l’orientation sexuelle. Très souvent, le ou les harceleurs fédèrent autour d’eux le groupe comme pour éprouver cette litanie «ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous». La place que prennent ces ados, et c’est ici le cas pour Carole, est liée à un contexte où la surveillance des adultes est insuffisante : dans les couloirs, les toilettes, sur internet… Comme pour Carole, avouer qu’on est harcelé c’est reconnaitre sa faiblesse et par conséquent justifier la mise à l’écart dans le groupe qui ne reconnait que les plus forts.
Carole nous a avoué également ne plus avoir d’amis et vivre cette situation encore plus cruellement depuis que ceux qu’elles avaient encore ont choisi l’autre camp. C’est donc une situation où l’influence des pairs est forte, les groupes d’amis arrivent à encourager ou renforcer le comportement de harcèlement.
Carole a fini par lâcher prise et se livrer sur ce qu’elle vit au sein de son établissement scolaire et même si nous lui souhaitons d’aller de l’avant dans les meilleures conditions les conséquences du harcèlement scolaire peuvent être dévastatrices. Au-delà des possibles blessures physiques, les effets psychologiques et émotionnels peuvent être profonds. Dépression, anxiété, perte de l’estime de soi… jusqu’à avoir des pensées suicidaires. Les conséquences ne se limitent pas à la victime, mais peuvent également affecter les témoins du harcèlement et l’ensemble du climat scolaire.
Quelle lutte efficace ?
Il s’agit avant tout d’un combat qui nécessite une approche coordonnée entre l’école, les familles, les élèves, les autorités compétentes et la police dans les cas les plus graves. En 2024, il semblerait que la sensibilisation et l’éducation ne soit pas encore effective partout. Il est donc essentiel de sensibiliser les élèves, les enseignants et les parents aux dangers et aux conséquences du harcèlement, ainsi qu’aux moyens de le reconnaître et de le combattre.
Les écoles doivent élaborer et mettre en œuvre des politiques claires de tolérance zéro contre le harcèlement, ainsi que des protocoles de signalement et de gestion des incidents. Il est important d’intervenir dès les premiers signes de harcèlement ce qui n’est pas le cas dans la situation de Carole qui vit ce calvaire depuis la rentrée dernière.
C’est un problème complexe qui demande des actions fortes. Carole terminera son année scolaire en décrochage et anéantie par ce qui lui arrive. Il reste à espérer que la rentrée scolaire verra sa situation s’améliorer avec un environnement scolaire plus sûr et plus bienveillant.