À n’en pas douter, dans les décennies qui viennent, le continent africain est appelé à jouer un rôle majeur dans le cadre des relations internationales.
L’Afrique ? On devrait dire les Afriques, tant ce continent recèle de diversités : les langues, les ethnies (plusieurs centaines), les disparités géographiques et climatiques, et les régimes politiques. À tort ou à raison, les fantômes de la colonisation continuent à agiter un ensemble de pays, dont souvent, les frontières ont été tracées au cordeau, faisant fi des races, des origines et de l’Histoire profonde. Le résultat est consternant et devrait retenir toute notre attention. Car il y a urgence.
La bande sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, Soudan) est dans la ligne de mire du groupe « État islamique au grand Sahara ». Les récents coups d’État (Niger, Burkina Faso, Guinée, Mali, Tchad, Gabon et Soudan) sont le signe d’un profond malaise au sein de la communauté africaine. Le professeur Bernard Lugan, éminent africaniste, se définit lui-même comme « ethno-différentialiste ». Je le cite : « l’ethnie n’explique pas tout, mais rien ne s’explique sans l’ethnie »… Il condamne sans réserve la façon dont nous, Européens, avons traité l’Afrique. Il explique que, sous le couvert de bonnes intentions, nous avons voulu imposer aux pays colonisés une vision « individualiste » de l’art de vivre : démocratie, bonne gouvernance, élections libres et transparentes. Alors qu’avant tout, l’Afrique est « communautariste » : familles, tribus, clans…
L’Afrique noire n’est pas logée à meilleure enseigne : en République « démocratique » du Congo (un oxymore), la guerre fait rage dans l’Est. La région est sous le joug de milices armées qui pillent, rançonnent, tuent et violent. Sans oublier l’action perverse d’États voisins qui alimentent sciemment ce chaos et pillent les ressources congolaises.
À cela s’ajoutent les opérations juteuses menées par des mercenaires de tous bords, avides d’enrichissement rapide. Face à cette situation incontrôlable, l’État congolais est impuissant. L’armée est squelettique, corrompue et au final, les Forces armées congolaises sont perçues plus comme un facteur d’insécurité que comme un facteur de paix et de protection. Le Congo exige le départ de la mission de l’ONU (MONUSCO). Une erreur fondamentale à mon sens, car si même cette mission a montré ses limites, elle contribue à maintenir le couvercle sur la marmite.
Les désordres qui secouent le continent africain vont aller en s’amplifiant : montée en puissance du Djihadisme, installation de la Charia, pauvreté galopante, démographie explosive, conséquences du réchauffement climatique, résurgence de maladies autrefois jugulées (grâce aux « colons », n’en déplaise à certains), famines, faible accès à l’eau potable, etc. La démographie africaine devrait nous faire réfléchir. Autant les sociétés occidentales souffrent d’une baisse de la natalité, et du vieillissement de la population, autant les sociétés africaines connaissent une croissance démographique hors de contrôle (Kinshasa : plus de 10 millions d’habitants ; Lagos : quasiment 16 millions d’habitants).
Ces phénomènes cumulés vont encourager un nombre non négligeable d’Africains à faire leur balluchon et à répondre aux sirènes de passeurs peu scrupuleux, afin d’aboutir à ce qu’ils considèrent comme le paradis sur terre : l’Europe. Cette migration sera facilitée par le fait que depuis la désastreuse opération menée en Lybie afin de détrôner Kadafi, le pays est devenu la « passoire » de la Méditerranée. Malgré ses déclarations fracassantes (avant les élections), la Première ministre italienne fait désormais face à une situation incontrôlable, et en est amenée à supplier l’Europe de résoudre le problème.
Qui seront les nouveaux maîtres de l’Afrique ? L’influence de la France n’est plus qu’un feu de paille. Bernard Lugan (que je citais précédemment) est catégorique : la France doit quitter l’Afrique, où au final elle n’a que des intérêts commerciaux négligeables.
La nature ayant horreur du vide, la place est nette pour de grandes puissances telles que la Chine, l’Inde, la Russie, mais aussi la Turquie. Ces pays n’ont pas pour objectif d’instaurer des démocraties, combattre la corruption et promouvoir la bonne gouvernance. Leurs intérêts sont stratégiques et surtout économiques.
Dans les années qui viennent, nous allons assister à une redistribution fondamentale des cartes sur le continent africain. Soyons attentifs, car l’Afrique, à n’en pas douter, est une bombe à retardement.