Le 22 avril 1982, des immigrés lancent un mouvement de grève d’une ampleur inédite dans l’histoire sociale française

Au début des années 1980, un tournant se négocie en France avec l’élection d’un président socialiste, François Mitterrand, qui rompt avec les politiques de droite depuis Charles de Gaulle, Georges Pompidou jusqu’à Valéry Giscard d’Estaing à qui il succédera en 1981. Mitterrand applique alors la politique pour laquelle il a été élu, mais endette aussi le pays lors des différentes nationalisations qu’il opère.  S’ensuit une succession de crises et le 22 avril 1982, une grève historique éclate en France ou, du jour au lendemain, des travailleurs immigrés sont projetés en pleine lumière.

La grève commence dans une usine Peugeot de Sochaux. Les travailleurs immigrés ont décidé de protester contre les conditions de travail difficiles, les bas salaires et la discrimination dont ils sont les victimes. La contestation s’étend alors à d’autres entreprises avec des travailleurs immigrés et français qui se sont unis pour exiger de meilleures conditions de travail. Cette grève dure alors plusieurs semaines et ce sont des dizaines de milliers de travailleurs qui revendiquent plus de justice sociale. C’est la première fois que les ouvriers maghrébins décident de protester avec une telle ampleur depuis leur arrivée 30 ans plus tôt.

Descendre dans la rue avec une telle détermination a mis en évidence les inégalités et les discriminations auxquelles étaient confrontés les immigrés en France. La classe politique et les dirigeants de l’époque ont  réalisé la capacité des travailleurs immigrés à s’unir et à lutter pour leurs droits, malgré les obstacles auxquels ils étaient confrontés. Cette grève a été un véritable tournant dans la lutte pour les droits des travailleurs immigrés. Beaucoup d’historiens relèvent que ce soulèvement a contribué à lutter pour les droits des générations d’ouvriers qui ont suivi.

Peu avant déjà, dans une usine de transformation de viande à Vitry, dans une banlieue de Paris, des ouvriers dénonçaient leurs conditions de travail, une grande majorité était des ouvriers maghrébins. Salaire bas et grande pénibilité, d’autres ouvriers se sont reconnus dans la démarche et très rapidement la grève s’est étendue à d’autres usines et entreprises en France qui employaient elles aussi un grand nombre de travailleurs immigrés. Les ouvriers en grève, en plus de revendications pour une meilleure prise en compte de leurs conditions de travail, ont également appelé à la régularisation des travailleurs sans papiers et à la lutte contre les discriminations.

Si aujourd’hui peu  connaissent ce pan de notre histoire moderne, il faut rappeler que ce mouvement a provoqué un débat national sur l’immigration et les droits des travailleurs immigrés en France. Sont nées aussi des organisations de défense des droits des immigrés qui ont permis la médiatisation d’une frange de la population toujours dans l’ombre et mal considérée. Parqués dans les cités de banlieue, ces hommes, en majorité des Algériens, des Tunisiens et des Marocains, devenaient les porte-paroles de toutes les fragilités sociales françaises.

Le secteur automobile connaît lui aussi des grèves rudes . La première éclate le 22 avril 1982 à Aulnay-sous-Bois, au nord de Paris, dans les ateliers de montage du groupe Citroën qui emploient des centaines d’ouvriers d’origine maghrébine. Trois autres usines Citroën entrent à leur tour en grève à Levallois, Asnières et Saint-Ouen. Elles durent jusqu’au 1er juin. Les usines Talbot de Poissy et Renault de Billancourt et Flins, toujours en région parisienne, relaient le mouvement social.

A  Poissy, les ouvriers revendiquent à travers une banderole: « 400 francs pour tous, 5e semaine accolée aux congés, 30 minutes pour le ramadan, nous voulons être respectés » !  C’est aussi à cette époque que la télévision informe des désidératas religieux des ouvriers et en janvier 1983, le magazine L’Expansion propose un article avec comme titre « L’automobile otage de ses immigrés. Aulnay, Poissy, Flins, comment la CGT récupère la révolte des musulmans ».

De nos jours,  les questions relatives à l’immigration sont abondamment commentées, positivement ou négativement. Au début des années 1980, elles étaient tabous et misent sous le tapis. Traités comme des citoyens de seconde classe, victimes du racisme ordinaire, ce combat ils le mènent aussi pour leurs enfants. Ceux-ci ne manqueront pas par la suite de prendre le relais et de se retrouver autour d’un projet qui va marquer toute une génération et porté par l’association SOS Racisme en 1985 « Touche pas à mon pote ».

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