En novembre dernier, Elyamine Settoul , spécialiste de l’immigration, publiait aux éditions Puf un ouvrage passionnant : «Penser la radicalisation djihadiste : acteurs, théories, mutations». Divercite.be avait déjà eu l’occasion de rencontre le chercheur qui nous avait accordé un long entretien en novembre 2021. Sociologue et politologue, c’est sur le thème de « l’engagement des militaires issus de l’immigration » qu’il fait un doctorat à Sciences Po. Aujourd’hui, il travaille au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris comme Maitre de conférences au sein de la chaire de criminologie.
Les phénomènes djihadistes, depuis les attentats du 11 septembre 2001, ont donné naissance à un nombre ahurissant d’ouvrages. Si certains sont particulièrement bien documentés, d’autres auraient pu tout autant ne pas être écrits. Dans son dernier livre, Elyamine Settoul fait une analyse nouvelle, revoyant sous un autre prisme les différents mécanismes qui conduisent certains individus vers le combat djihadiste.
Ainsi, l’auteur, après avoir lu et étudié ce qui pouvait être écrit sur la question, est arrivé à la conclusion que : « les spécialistes des postcolonial studies ont interprété le phénomène en termes de domination « nord sud » ou plutôt orient/occident, les néo-orientalistes ont cherché dans la culture, l’idéologie ou le Coran, les racines du passage à la violence tandis que les psychologues se sont naturellement focalisés sur la psyché des individus.»
Mais Elyamine Settoul, en rédigeant son ouvrage, a préfère s’extraire de ces axes pour travailler sur une approche plus globale du phénomène djihadiste. L’universitaire a construit son travail depuis 3 ans en se fondant sur des entretiens avec des hommes aujourd’hui en prison, qui ont été membres de l’État Islamique ou encore Al-Qaeda.
En travaillant cette question sur le fond, Elyamine Settoul affirme ainsi qu’il y aurait cinq pôles, cinq points d’entrée vers des « trajectoires de djihadisation »: La dévotion, l’émotion, la politisation, la manipulation et la pulsion. Settoul voit ainsi cette nébuleuse comme une mosaïque, une composante complexe où tout est lié, mais de manière plus ou moins forte selon l’individu et son parcours.
L’ouvrage nous révèle également que l’un de nos réflexes est d’associer « le communautarisme ou le salafisme quiétiste à une étape clé des processus de radicalisation ». Selon Settoul, c’est une erreur, car si cela était le cas les nations pratiquant le communautarisme ou le multiculturalisme auraient vu des candidats au djihad beaucoup plus nombreux, or ce n’est pas le cas d’un point de vue statistique.
. -Carences identitaires-
Si le livre « Penser la radicalisation djihadiste : acteurs, théories, mutations» revient assez largement sur les causes politiques, idéologiques et religieuses, l’accent sur les manquements liés à l’identité sont aussi abondamment commentés.
L’auteur le reconnait, si le message de l’État Islamique passe moins bien depuis la défaite territoriale, il n’en reste pas moins que « l’envie d’appartenance et de radicalité exprimées par une partie de la jeunesse n’a pas réellement évoluée ».
Le jihadisme de ces dernières années a joué sur les frustrations et les carences identitaires que connaissent beaucoup de jeunes. L’ouvrage délivre un message des causes à effets multiples du phénomène, il est à retenir que «la mésestime de soi, les frustrations et les sentiments de stigmatisation » nourrissent abondamment le reste.