Le jeudi 25 juin 1998, à 13h45, celui que l’on surnommé le « lion de Kabylie », chanteur et icone de tout un peuple, trouvait la mort, assassiné à l’âge de 42 ans.
Dans sa voiture, trois autres personnes : sa femme et deux belles-sœurs. Au détour d’un virage, sur une route du Djurdjura, en Kabylie, une dizaine d’hommes surgissent et criblent de balles la Mercedes du chanteur. Sur la voiture, on relèvera plus tard 78 impacts de balles. Matoub Lounès sera atteint par sept projectiles mais, extrait de sa voiture, c’est sur la route qu’on l’achève.
L’annonce de sa mort fut une onde de choc pour tous les algériens à travers le monde. Beaucoup étaient convaincus que son image, son aura, son importance dans la culture populaire algérienne seraient son armure, son gilet pare-balles. Le choc fut tel, que de violentes émeutes éclateront à Tizi Ouzou. La police peinera à rétablir l’ordre. Le dimanche qui suit le drame, le 28 juin, des milliers d’algériens se rendront à Taourirt Moussa, son village, pour se recueillir et lui rendre un dernier hommage.
Qui ? Pourquoi ?
Farid Alilat, journaliste à « Jeune Afrique » revient sur ce drame dans le numéro du 2 juillet dernier. En 2016, une plainte pour « assassinat et tentative d’assassinat » vise alors Hassan Hattab. Cet homme est ce qu’on appelle un émir du GIA ( repenti lors de la proclamation de la Concorde civile décrété par Bouteflika). C’est lui qui aurait revendiqué la mort du chanteur kabyle. Déjà, en automne 1994, en pleine guerre civile déjà entachée de milliers de morts, Matoub avait été kidnappé par un groupe armé avant d’être relâché dans des conditions mystérieuses.
Depuis 2016 l’instruction est toujours en cours.
Nadia Matoub, la veuve du chanteur, présente au moment de l’assassinat, et initiatrice du dépôt de la plainte, a révélé à notre confrère de « Jeune Afrique » que l’instruction était encore au point mort : « Je n’ai jamais été convoquée par le juge d’instruction et je ne sais pas quelle suite la justice compte réserver à ce dossier. » Selon elle, la revendication de l’assassinat par un communiqué de Hassan Hattab, et le fait qu’il n’ait jamais démenti, signe le crime. Mais comme le questionne si justement Farid Alilat, la Concorde civile et l’immunité qu’elle propose, s’étend-elle aussi à l’assassinat de Matoub Lounès?
Hassan Hattab, le présumé coupable, aurait participé, après son acte de contrition, à la lutte anti-terroriste, en incitant des djihadistes à renoncer au maquis. Aurait-il ainsi gagné son impunité ? Autre question que pose notre confrère : « Y a-t-il dans le dossier Matoub Lounès des éléments qui en feraient une affaire d’État dont toutes les vérités ne seraient pas bonnes à divulguer pour le pouvoir ? »
Des questions qui resteront sans réponses quand on connait l’opacité dont aime s’entourer l’élite politique algérienne.