Roi Baudouin, pourquoi les familles issues de l’immigration y étaient attachées ?

Le 31 juillet dernier, la Belgique commémorait les 30 ans de la disparition du Roi Baudouin, cinquième Roi des Belges. Né en 1930, il n’a que 20 ans lorsqu’il accède au trône en 1951. Il y restera jusqu’à sa mort en 1993.

Archives du Palais royal.
Archives du Palais royal.

Pour les Belges nés dans les années 1960 et 1970, leur enfance ne peut se concevoir sans l’image bienveillante du Roi Baudouin. Si la télévision n’était encore qu’à ses balbutiements, le Monarque belge y apparaissait régulièrement lors d’événements ponctuels ou dans le cadre des vœux de fin d’année.

Pour les Belges, comme pour les nouveaux migrants qu’étaient nos parents venus du Maroc, de Turquie, d’Italie, d’Algérie, d’Espagne… le Roi incarnait cette belgitude qui nous définissait, même si elle restait une illusion. Un paradoxe difficile à expliquer. L’homme était une sorte d’icône, de silhouette que l’on savait appartenir au pays autant que le pays lui appartenait.

Pour nous, enfants de l’immigration, jouant et grandissant aux abords des charbonnages, la noblesse nous apparaissait être cette chose un peu étrange dont on apercevait les contours, mais avec une imagination incapable d’en construire la finalité. Comment le pouvoir ? Nous étions la première génération de nos familles à espérer sortir de notre condition mais avant cela, la route était encore longue.

Le Roi Baudouin et la Reine Fabiola, c’était ce couple vaporeux qui sortait d’une belle berline, qui affichait un sourire heureux et partageait des poignées de main généreuses. Nos parents, venus des djebels et des campagnes du nord de l’Afrique, les aimaient, les respectaient et leur trouvaient une forme d’altruisme aigu lorsqu’ils se rendaient au chevet de malades, de blessés ou d’indigents. Qui peut oublier cet aveu dans un discours qui nous rendit le Roi encore plus attachant en évoquant son absence de paternité ? «Peu à peu, nous avons compris, qu’en n’ayant pas d’enfants à nous, notre cœur était plus libre pour aimer tous les enfants, absolument tous  ! ».

Nous étions donc aimés par le «père» de la nation et notre belgitude s’ancrait avec ce que l’époque avait à nous offrir en sus. Nos parents ne comprenaient pas parfaitement le français, mais lorsque le Roi Baudouin dénonçait dans ses discours le racisme et la xénophobie, l’écho se faisait en eux. Adolescente, je me souviens d’un débat en classe où le professeur, parlant du Roi, évoquait avec nous son investissement dans la lutte contre la traite des êtres humains. Le sort des prostituées le touchait profondément et nous mesurions alors combien son humanité était grande même si d’autres voix étaient horripilées par son côté paternaliste, dévot et suranné à leurs yeux.

Les valeurs auxquelles le Roi croyait farouchement et qui incarnèrent l’homme jusqu’à la fin de sa vie, beaucoup de personnes issues des communautés de l’immigration les partageaient intimement. La famille, la religion, l’éthique… Et alors que la société s’installait depuis 20 ans dans une forme d’individualisme assumée, le Monarque vantait la nécessité de sauver les traditions et, il faut le dire, avec une morale conservatrice qui dénotait avec l’évolution du monde vers davantage de libertés individuelles.

À l’écouter, nous entendions intuitivement que le mal qui rongeait nos sociétés était dû à l’excès du matérialisme, conséquence d’un sentiment dans certaines catégories sociales de décadence morale. L’image qu’il renvoyait avec Fabiola était celle d’un couple simple, discret, respectueux… nos parents aimaient cette simplicité aristocratique qui, même si ce parallèle peut paraître surprenant, faisait écho à celle de leur condition ouvrière.

 

Archives du Palais royal.
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