Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphe belgo-marocain, en veut « Toujours plus ! »

Marocain par son père et flamand par sa mère,  Sidi Larbi Cherkaoui a puisé dans ses racines multiples une faculté extraordinaire de s’approprier les sources dinspiration les plus fécondes pour nourrir son imaginaire.

Ce célèbre chorégraphe belgo-marocain, associé à un théâtre londonien, directeur des ballets du Grand Théâtre de Genève, présente son dernier spectacle 4D+  à guichet fermé, à Paris, au Théâtre de la Villette.

Ses spectacles, qui mêlent  plein chant, percussions asiatiques ou africaines, vidéos, humour, rituels  archaïques ou contemporains, séduisent  un public universel. Pourtant, rien ne le prédisposait à cette brillante carrière.

Né à Anvers, en 1976

Il débute la danse tardivement, à 16 ans mais  reçoit, 3 ans plus tard, à Gand, le Prix du meilleur solo belge au concours d’ Alain Platel. Il se forme à la danse contemporaine au Parts, fondé par Anne Theresa de Keersmaeker, au hip hop et au modern jazz, tout en développant ses capacités incroyables de contorsionniste.

Il démarre alors sa carrière de chorégraphe à 22 ans sur la comédie musicale d’André Wale, Anonymus Society, sur des chansons de Jacques Brel. Le  succès est foudroyant. Il poursuit sur la même veine avec «  Rien de rien ». Le monde entier le réclame. Paris aussi : il développe un partenariat privilégié avec la Villette. En 2010, le tryptique Foi, Mith et Babel (avec la création de sa compagnie Eastman, destinée à développer ses projets plus personnels comme TezukA en 2012 et 4 D en 2013.)

Après la pandémie, il revisite le spectacle 4D et présente 4D+

+ symbole de positivité du virus, de la croissance boursière, et de l’ajout d’un cinquième duo au spectacle 4D. Ces cinq duos isolés sont parfaitement indépendants au niveau narratif, mais forment les cinq chapitres d’un spectacle qui s’ouvre avec Faune.

Inspiré du conte de Stéphane Mallarmé revisité, Sidi Larbi Cherkaoui choisit une danseuse pour interpréter le Faun. Les frontières des sexes s’estompent et créent une fusion totale entre deux êtres totalement gémellaires. Jaillissement, dissolution, étreintes fluctuantes, retrouvailles des corps qui s’approchent, se fondent en une renaissance douce et hypnotique du couple.

Matter est une séquence clé de la pièce Origine crée en 2008. Un hymne tendre et joyeux sur le thème de la solitude au XXI siècle où le consumérisme nous entoure. Voiture, téléphone portable, ordinateur, miroir… Tous ces objets, plus ou moins connectés, remplacent peu à peu les relations humaines, sans combler nos vides affectifs.

De cette admirable précision des gestes, de la coordination parfaite entre visages, mains, pieds, surgit un humour très particulier, totalement codifié. Sidi Larbi Cherkaoui nous offre ainsi un nouveau code du silence et de la solitude: un langage urbain, dans l’intimité ultra- secrète de l’individu.

Pure, créé pour les plages d’Ostende, partie de TeZukA, est une interrogation sur les enjeux de la pureté et des préoccupations écrasantes qui y sont liées. Un corps purifié peut-il disparaître ?

Dept est La pièce centrale de 4D+. Très engagée politiquement, cette pièce présente la relation perverse qui lie un débiteur à son créditeur, du pur esclavagisme.

Deux businessmans explorent les dynamiques du pouvoir au sein de leur relation

Alors qu’une interdépendance les emprisonne pour monter et broyer des affaires. Cette relation asymétrique les plonge dans un cercle vicieux totalement fantasmatique où sévit l’illusion d’une croissance économique infinie dans un monde déjà condamné.  Les corps, disloqués, se heurtent et s’agitent sur fond de courbes de croissances totalement hystériques. Une voix off exprime calmement les dessous de ce capitalisme ravageur.

Sin, créé en 2010 pour la pièce Babel

En collaboration avec le chorégraphe franco-belge Damien Jalet, vient clôturer 4D+ , en écho à la pièce Faun. Là où tout était amour volupté, complicité et fluidité, le couple devient un féroce combat entre Eros et Thanatos. L’instinct de vie contre l’instinct de mort, l’instinct de destruction, la passion. Les corps s’affrontent, les rapports de force inévitables, la volonté de domination créent déséquilibres et chaos. Les corps, au lieu de se déployer harmonieusement, se heurtent, se cognent, roulent en une masse compacte.

 

Cette création revisitée dans les circonstances de l’après crise offre un précieux  panorama des recherches poursuivies dans Estman. Plain chant, multiplicité des langages, diversité des approches du point de vue musical, linguiste et même pictural, la complicité avec différentes cultures invitées sur le plateau signent véritablement le parcours universellement reconnu et récompensé de Sidi Larbi Cherkaoui.

Pureté des lignes, dénonciation du chaos, ambivalence des individus, de nos sociétés blessées et blessantes alternent avec un humour omniprésent où, pour notre plus grand plaisir, tous les décalages, références éclectiques, rituels archaïques ou contemporains sont joyeusement permis.

Catherine Belkhodja

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