La Turquie célèbre son centenaire à l’ombre de la guerre à Gaza

La Turquie célèbre aujourd’hui, dimanche 19 octobre, son centenaire en tant que République post-ottomane avec des célébrations quelque peu discrètes organisées dans l’ombre de l’escalade de la guerre entre Israël et les combattants du Hamas à Gaza.

Le président Recep Tayyip Erdogan était au centre des événements d’une journée qui honorait le fondateur de la République laïque tout en mettant en valeur les réalisations du parti conservateur d’inspiration islamique qui dirige la Turquie depuis 2002.

« Notre pays est entre de bonnes mains, vous pouvez reposer en paix », a déclaré Erdogan après avoir déposé une couronne de fleurs devant le mausolée de Mustafa Kemal Atatürk, le commandant militaire dont l’héritage et les deux décennies de règne sont aujourd’hui mis en parallèle avec celui de l’actuel président.

Atatürk est vénéré dans la société turque pour avoir chassé les forces d’invasion et construit une toute nouvelle nation sur les ruines de l’Empire ottoman déchu au lendemain de la Première Guerre mondiale.

La Turquie a été créée comme une nation tournée vers l’ouest qui a retiré la religion de ses institutions étatiques et a tenté de se forger une nouvelle identité moderne à partir de la myriade de groupes ethniques et religieux qui la compose. Elle est finalement devenue membre de l’alliance de défense atlantique, l’OTAN, dirigée par les États-Unis et un phare d’espoir démocratique au Moyen-Orient. Mais la transformation par Atatürk a créé des divisions et des crispations qui pèsent lourd encore aujourd’hui sur la politique turque.

Erdogan a exploité ces éléments en conduisant son Parti conservateur l’AKP face au Parti républicain du peuple (CHP) de gauche, historiquement formé par Atatürk. Il a passé une grande partie de la dernière décennie à tester les limites des traditions laïques de la Turquie ainsi que ses liens avec l’Occident.

Les célébrations de dimanche ont été partiellement éclipsées par les attaques de plus en plus féroces d’Erdogan contre Israël en raison de la réponse de l’Etat hébreu aux attaques du Hamas du 7 octobre 2023.

Les combattants du Hamas ont tué indistinctement 1.400 personnes et pris 220 otages lors d’un raid surprise que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a qualifié de pire attaque « depuis l’Holocauste ».

Israël a riposté par de féroces frappes aériennes et une offensive terrestre qui, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas à Gaza, a fait plus de 8 000 morts. La télévision d’État turque a également supprimé la diffusion de concerts et d’autres festivités en raison de « la tragédie humaine alarmante à Gaza ».

La défense des droits des Palestiniens par Erdogan a fait de lui un héros dans de vastes pans du monde musulman. Il a annoncé que 1,5 million de personnes étaient venues participer à un rassemblement pro-palestinien à Istanbul samedi, ce qui a fini par noyer la couverture télévisée nationale du centenaire.

Erdogan a accusé le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu, de se comporter comme un « criminel de guerre » et de tenter « d’éradiquer » les Palestiniens.

« Israël, vous êtes un occupant », a déclaré Erdogan.

Ses remarques ont incité Israël à annoncer le retrait de tout son personnel diplomatique dans la capitale turque pour une «réévaluation » des relations. La crise diplomatique émergente a encore davantage détourné l’attention de la fête d’anniversaire de la Turquie pour se concentrer sur la gestion des affaires mondiales par Erdogan. Le pays a connu une période de turbulences dans ses relations avec ses alliés occidentaux depuis qu’Erdogan a survécu à une tentative de coup d’État manquée en 2016 qu’il imputait à un prédicateur musulman basé aux États-Unis.

Soli Ozel, professeur à l’Université Kadir Has d’Istanbul, a considéré le rassemblement pro-palestinien de samedi comme faisant partie des efforts tacites d’Erdogan pour saper la vision laïque d’Atatürk. « Ce rassemblement n’aurait-il pas pu attendre la semaine prochaine ? Le centenaire n’arrive qu’une fois par siècle », a déclaré Ozel dans une interview.

Mais une enquête suggère que les commentaires d’Erdogan s’adressent à son noyau de partisans conservateurs islamiques et non au grand public. L’enquête Metropoll (institut de Recherche stratégique et sociale turc) montre que seulement 11,3 % des personnes interrogées déclarent « soutenir le Hamas » mais 34,5 % estiment que la Turquie devrait rester « neutre » et 26,4 % estiment qu’elle devrait jouer un rôle de médiateur.

AFP


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