Des milliers de médecins hospitaliers britanniques ont entamé une grève le vendredi 11 août qui aura duré quatre jours. Leurs motivations ? Obtenir un meilleur salaire alors que l’inflation en Grande-Bretagne reste à un très haut niveau. Le service des soins de santé au Royaume-Uni, NHS (National Health Service), est en crise depuis plusieurs années. Ce dernier mouvement en date n’est que l’ènième d’une longue série qui reflète le grand malaise qui existe aujourd’hui parmi les médecins Outre-Manche.
Le secteur touché par cette grève est celui des jeunes médecins, les « médecins juniors », qui est l’équivalent de nos internes. Les grèves se sont multipliées ces derniers mois, ce qui a causé le report de centaines de milliers de rendez-vous médicaux. Déjà en juillet dernier, une autre grève avait été menée rendant impossible le bon fonctionnement des services hospitaliers.
Les médecins internes qui continuent à se former pendant leur travail sont mal considérés, parfois méprisés et le syndicat qui les représente, BMA (British Medical Association) «affirme que les « médecins juniors » ont perdu 26 % de rémunération, en termes réels, depuis 2008, lorsque des économies ont été imposées aux services de santé dans le cadre des politiques d’austérité.» Une diminution des salaires, mais un coût de la vie qui a augmenté considérablement, surtout dans les grandes villes comme Londres, Birmingham, Manchester ou Liverpool. Aujourd’hui la BMA demande une augmentation de 35% des salaires, mais le gouvernement conservateur de Rishi Sunak refuse catégoriquement.
Les médecins, mais aussi les infirmières et les ambulanciers demandent une revalorisation de leurs salaires. « Beaucoup de collègues partent pour d’autres pays ou d’autres métiers, car le salaire est trop faible pour rester médecin » a déclaré à nos confrères de l’AFP Robert Laurenson, du syndicat BMA. « Si nous réussissons à mieux rémunérer les médecins et si nous parvenons à faire du NHS un lieu de travail plus attrayant, beaucoup de nos conditions s’amélioreront parce que nous aurons moins de trous à combler dans les gardes« , a-t-il ajouté. « La vie s’améliorera pour tout le monde, y compris pour les patients. »
« On va au travail et parfois on ne sait pas si on va avoir une équipe complète avec nous ou s’il y aura des manques« , dira un médecin gréviste londonien, Sumi Manirajan, devant l’University College Hospital.
Les médecins étrangers au Royaume-Uni jouent un rôle essentiel dans le système de santé britannique.
Parmi les jeunes médecins 1 sur 2 est issu.e de la diversité. La plupart d’entre eux viennent de pays non européens comme l’Inde, l’Afrique du Sud, le Pakistan. Dans certains endroits, le nombre de médecins étrangers est supérieur à celui des Britanniques. À Rhondda Valley, dans le pays de Galles, on estimait en 2008 que plus de 73 % des généralistes étaient d’origine sud-asiatique.
Cette politique de l’accueil des professionnels de la santé en provenance d’autres pays est récurrente pour combler les besoins en personnel médical. Le NHS valide les médecins étrangers, y compris les médecins formés à l’étranger. Ils représentent une partie importante de la main-d’œuvre médicale du NHS. Les médecins étrangers au Royaume-Uni, généralistes ou spécialistes ( mais aussi les infirmier(ère)s, technicien(ne)s en laboratoire, en radiographie…) sont souvent plus conciliants. Dans leurs pays d’origine, le système de santé est loin d’atteindre la qualité des prestations que peut offrir la Grande-Bretagne et le pays les accueille ici à bras ouverts. Néanmoins, ils passent avant cela dans le processus de reconnaissance de leurs qualifications médicales pour pouvoir exercer. Cela implique généralement de passer des examens ou de suivre des formations complémentaires pour s’aligner sur les normes britanniques. Le processus peut également varier en fonction du pays d’origine du médecin et du niveau de qualification.
Le parcours relève parfois du parcours du combattant, mais la grande majorité passe les épreuves et cela reste une chance pour le pays qui reste face à une pénurie de main-d’œuvre médicale, en particulier dans certaines régions et pour certaines spécialités que seule l’immigration parvient à combler. Autre atout de taille, ces professionnels de la santé peuvent mieux prendre en charge des patients issus des diverses communautés culturelles et linguistiques des villes anglaises et l’on sait combien elles sont multiples.
Les grèves successives sont aussi celles de ces médecins qui souffrent du peu de reconnaissance, malgré l’apport essentiel au système de santé britannique qu’ils représentent. Selon la NHS, près de « 835.000 rendez-vous médicaux qui ont dû être reportés en raison des différents mouvements de grève depuis décembre 2022 » avec le débrayage en cours, le million devrait être dépassé prochainement. Le gouvernement présente comme « définitive » sa proposition faite mi-juillet aux « junior doctors » : une augmentation de 6 % et une prime de 1.250 livres. Pour le ministre britannique de la Santé Steve Barclay, la grève « sert seulement à nuire aux patients » et met « une pression supplémentaire » sur le personnel non gréviste.