Malgré un nouveau naufrage meurtrier, l’Angleterre reste un aimant pour les migrants du littoral nord

Six personnes ont été tuées lorsqu’un bateau transportant des migrants en direction de la Grande-Bretagne a coulé dans la Manche samedi dernier.

« Traverser la Manche, c’est jouer avec nos vies »: l’Afghan Hadji Mahmud s’accroche pourtant au projet de rallye l’Angleterre, comme à une fatalité, même après le naufrage samedi d’une embarcation qui a coûté la vie à six de ses compatriotes.

Dans le camp de migrants de Loon-Plage, sur le littoral nord de la France, où il vivote, une quinzaine de tentes se serrent derrière un talus, près d’un tas de détritus qui se consomme.

« Si nous avions une belle vie en Afghanistan, un bon gouvernement, un bon système éducatif… » égrène l’homme aux yeux fatigués, entouré d’un groupe d’Afghans, souvent très jeunes.

Lui qui a laissé ses empreintes digitales en Croatie, à son entrée dans l’Union européenne, aimerait que les polices française et anglaise l’aident à traverser la Manche sans risquer sa vie. Mais il sait que c’est un vœu pieux : « nous souffrirons jusqu’à réussir à traverser ».

Six de ses compatriotes ont trouvé la mort samedi dans le naufrage d’une embarcation au large de Sangatte, une ville du Pas-de-Calais située plus à l’ouest. Un à deux potentiels disparus restaient recherchés samedi soir.

Le canot convoyait 65 à 66 hommes, Afghans dans leur grande majorité, avec quelques Soudanais et quelques mineurs.

– « Nous réessayerons »-

« Un drame humain terrible » selon le secrétaire français d’État à la Mer, Hervé Berville, alourdissant un bilan migratoire déjà accablant pour cette zone frontière : au moins quatre noyés en décembre 2022, 27 en novembre 2021, sept en octobre 2020 pour ne citer que les principaux naufrages.

Mais sans éteindre le désir d’Angleterre des migrants qui affluent depuis des années sur le littoral nord de la France, actuellement environ un millier selon les autorités.

« Si nos familles savaient » pour le naufrage, « ils ne nous autoriseraient pas à traverser », confient un peu plus loin, près d’un vieux canapé installé sous une bâche, deux autres Afghans, Bilal et Basir, 20 et 22 ans.

Ils devaient tenter la traversée la nuit précédente, mais on a « raté le bateau ». « Nous réessayerons », assurent-ils.

« Ma sœur et mon oncle sont en Angleterre », explique Basir. Bilal rêve lui d’aller à l’université au Royaume-Uni.

Parmi les exilés rencontrés par l’AFP, seul le Kurde irakien Abu Mohamed, 36 ans, affirme désormais hésiter : « si je vois que c’est très risqué, je vais essayer de rester en France ».

– « Il y aura d’autres drames » –

À une trentaine de kilomètres, à Calais (nord), où des victimes et rescapés ont été ramenés à terre, deux jeunes Soudanais s’affirment âgés de 16 ans et plaisantent sur un trottoir.

« En France, c’est compliqué pour nous, il y a du racisme, personne ne veut de nous, on dort dans la rue et tout le monde s’en fout, on ne peut pas travailler », lance l’un des deux, entre hilarité et gravité.

Alors oui, il réussit à tenter la traversée, pour poursuivre des études d’ingénieur en informatique en Angleterre.

Pour Pierre Roques de l’Auberge des migrants, qui fédère les associations de soutien aux exilés, le naufrage de samedi « était un drame prévisible et évitable ».

« Le Royaume-Uni part vers des solutions complètement extrêmes pour arrêter les traversées qui n’auront pas d’autre effet que d’augmenter la mise en danger des personnes », déplore-t-il.

Envoi des demandeurs d’asile vers le Rwanda ou barge en mer pour les loger, les solutions sensibles ou mises en place par Londres « sont parfois une source de préoccupation » pour les exilés, « mais elles n’entravent pas leur volonté d’aller au Royaume-Uni », dit-il.

« Il y aura encore d’autres drames », les migrants « tentent le tout pour le tout, ils ont tout donné » et « cela ne s’arrêtera jamais », met aussi en garde Régis Holy, le patron du canot de sauveteurs qui a ramené cinq des victimes à Calais.

Les associations déplorent également la politique d’expulsion régulière des campements du littoral, au nom du refus des « points de fixation ».

Selon Jean-Claude Lenoir, président de l’association Salam, « 12 fourgons de CRS » ont démantelé samedi « au moins quatre campements » improvisés à Calais.

« Au vu des circonstances, il y aurait pu avoir un peu de calme », ​​d’autant que ces opérations « violentes » sont « sans aucun résultat, les migrants reprenant leurs lieux dès la police partie », pointe-t-il.

© Agence France-Presse

 

N'hésitez pas à partager !

Laisser un commentaire

Qu’elle s’affirme fièrement, qu’elle choque, crispe ou divise, la diversité est une réalité incontournable de nos sociétés. Elle trame nos régions, villes et quartiers et donne à voir un monde où les mobilités humaines se sont intensifiées. Divercite.be est un média belge francophone qui est né pour répondre au besoin de décrypter et d’analyser ces nouvelles réalités. Sa ligne éditoriale est entièrement et exclusivement consacrée à la diversité culturelle, ethnique, cultuelle ou de genre. Nouveau dans le paysage médiatique numérique, nous avons besoin de vous pour aller plus loin dans le travail que nous menons.
Soutenez-nous en vous abonnant ! S’abonner, c’est permettre à un nouveau journalisme d’enrichir le débat public par une vision aussi objective et sans concession, qu’humaine et proche de chacun. Divercite.be ne court pas après le buzz mais relaye l’actualité telle qu’elle est, sans parti pris.
Abonnez-vous à partir de 5 euros par mois ou 59 euros par an. Vous avez aussi la possibilité de découvrir uniquement les articles qui vous intéressent pour 1 euro.
Qu’elle s’affirme fièrement, qu’elle choque, crispe ou divise, la diversité est une réalité incontournable de nos sociétés. Elle trame nos régions, villes et quartiers et donne à voir un monde où les mobilités humaines se sont intensifiées. Divercite.be est un média belge francophone qui est né pour répondre au besoin de décrypter et d’analyser ces nouvelles réalités. Sa ligne éditoriale est entièrement et exclusivement consacrée à la diversité culturelle, ethnique, cultuelle ou de genre. Nouveau dans le paysage médiatique numérique, nous avons besoin de vous pour aller plus loin dans le travail que nous menons.
Soutenez-nous en vous abonnant ! S’abonner, c’est permettre à un nouveau journalisme d’enrichir le débat public par une vision aussi objective et sans concession, qu’humaine et proche de chacun. Divercite.be ne court pas après le buzz mais relaye l’actualité telle qu’elle est, sans parti pris.
Abonnez-vous à partir de 5 euros par mois ou 59 euros par an. Vous avez aussi la possibilité de découvrir uniquement les articles qui vous intéressent pour 1 euro.
 
 

JE SUIS DÉJÀ ABONNÉ