Salle de prière à l’ULB: Hervé Hasquin brise le consensus du monde laïque

Début de la semaine dernière, Nadia Geerts, connue en Belgique pour ses positions affirmées sur la question du voile et de l’islam dans la société, publiait dans le journal français Marianne (lire ici) un article selon lequel un endroit dédié à la prière existait dans l’enceinte de l’Université Libre de Bruxelles. La militante laïque affirmait également que cela durait depuis huit ans et que « des dizaines d’étudiants se rassemblent chaque jour aux heures de prière dans un coin de l’université. Ils y auraient même entreposé des vêtements pour femmes, des tapis ou encore des fiches d’invocations à réciter. »

Quelques heures après la publication de l’article, l’Université Libre de Bruxelles confirmait qu’en effet ce lieu et la pratique de la prière existaient bel et bien. L’ULB s’est alors empressée d’envoyer un mail rassurant à ses étudiants: « Certains membres de notre communauté universitaire se sont émus d’apprendre qu’il existait des rassemblements de prières sur nos campus. Il nous paraît dès lors essentiel de vous informer de notre attitude en la matière. L’Université libre de Bruxelles constitue, vous le savez un espace de liberté, une Université ouverte, où plus d’un tiers de la communauté universitaire vient de l’étranger, une Université respectueuse aussi de la diversité. La liberté d’expression et d’opinion, la liberté de conscience et la liberté de religion ou de conviction y sont respectées de manière forte et engagée. » (lire ici)

Le communiqué reste évasif sur les faits rapportés par Nadia Geerts mais défend fermement l’institution et ses valeurs en poursuivant par ces aveux : «  Ce respect se marque notamment par la tolérance de l’Institution à l’égard des signes convictionnels ou politiques portés par les étudiantes et les étudiants, pour autant qu’ils ne soient pas attentatoires à la loi». Ceci étant exprimé, l’ULB relève néanmoins que malgré cela et : « dans le respect de la liberté individuelle, notre Université ne peut pour autant pas accéder à toutes les demandes qui lui seraient faites d’aménager ses espaces, ses horaires de cours ou son mode de fonctionnement général en fonction des contraintes à caractère privé des uns et des autres ».

Le communiqué signé par  la Rectrice Annemie Schauss et le Président du Conseil d’administration Pierre Gurdjian termine en affirmant que « Ses campus (ceux de l’ULB ) sont dédiés en priorité à l’étude et à la recherche. Les demandes d’installation de lieux de prières, de culte ou de recueillement ne sont et ne seront dès lors pas acceptées par les autorités de l’Université».

Par la suite, des vidéos ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux et on y voit en effet des étudiants qui s’adonnent à la prière dans une salle de l’université. Une statue est cachée par un drap et des livrets ainsi que des tenues longues sont déposées dans le local. La vidéo a surpris et provoqué des réactions hostiles dans le monde politique et universitaire. Pour l’avocat Marc Uyttendaele « L’Université ne doit pas devenir un lieu de culte ». Tout au long de la semaine écoulée, de nombreuses positions se sont exprimées. Chacun y va de son opinion et elles sont majoritairement contre la salle de prière.

Figure influente de la laïcité et de la franc-maçonnerie, ancien Ministre-président de la Communauté française de Belgique, ancien président du Conseil d’administration et ancien recteur de l’ULB de 1982 à 1986, Hervé Hasquin va briser ce consensus apparent du monde laïque. Dans une interview au journal La Libre de ce week-end, il avance que si la pratique de la prière dans l’enceinte de l’université n’entrave pas le bon fonctionnement de l’institution il se dit «partisan de la liberté absolue ».

Hervé Hasquin rapporte que, dès les années 1990,  l’ULB a été confrontée à des demandes pour aménager des espaces dédiés à la prière et à la méditation. Il reconnait que l’idée d’une salle de méditation l’avait traversé mais reconnait néanmoins que cela aurait pu être compliqué.  Il est « à peu près sûr que certains groupes essayeraient de transformer cette salle de méditation en véritable salle de prières. Des sectes, quelle qu’en soit l’origine, essaieraient d’en prendre possession ».

Interrogés par le JT de la RTBF (video ici), des étudiants musulmans regrettent la polémique. Certains affirment que cela leur facilitait la vie dans la mesure où ils pouvaient avoir un endroit pour prier sans déranger et sans devoir ainsi rattraper les prières le soir. La frontière entre la liberté individuelle et l’organisation collective au sein de l’espace public, en l’occurrence une université libre subventionnée, est une nouvelle fois posée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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