Théâtre : Traces, discours aux Nations africaines ou une ode à l’espoir

Le Théâtre le Public programme à partir de ce mardi 5 septembre jusqu’au 21 octobre prochain la pièce « Traces, discours aux Nations africaines » de Felwine Sarr.  Etienne Minoungou joue et fait également la mise en scène, il est accompagné par Simon Winsé un musicien multi-instrumentiste.

« Un Africain revenant d’une longue odyssée décide de s’adresser aux siens. Il les invite par une parole poétique à édifier le jour qui vient ». Parler, dire, transmettre avec les mots reste ce que l’homme peut offrir de plus beau. Dans cette pièce de Felwine Sarr, Etienne Minoungou se saisit du verbe pour éclairer sur la condition d’Africain.

Felwine Sarr (économiste, penseur et poète sénégalais a écrit ce « Discours aux nations africaines » à la demande d’Etienne. Ode à la liberté, à la connaissance, aux voyages, au partage… à ce qui fait l’humanité depuis la nuit du temps.« Pour nos petits. Pour celles et ceux qui arriveront après nous, un appel à la création d’un nouveau projet de civilisation. Rien de moins », nous dit la présentation du spectacle. Quitter l’Afrique, c’est quitter le berceau de l’humanité, mais partir c’est aussi mieux revenir comme dit l’adage.
Après une longue tournée à Düsseldorf, New York, Marrakech, Casablanca, Atlanta, Princeton, Genève ou encore Kinshasa… le spectacle pose ses valises au cœur de Bruxelles dans la commune de Saint-Josse.

DiverCite.be a rencontré Etienne Minoungou et Patricia Ide, directrice du théâtre Le Public.

DiverCite.be : Etienne Minoungou, qui êtes-vous et d’où venez-vous ?

Etienne Minoungou : Je viens du Burkina Faso. Je me suis installé en Belgique en 2004 avec ma famille. Au Burkina Faso, je faisais déjà du théâtre mais en amateur. J’ai intégré une troupe qui est la plus ancienne du pays et qui est dirigée par un professeur de théâtre à l’université. Il était auteur et metteur en scène. Le nom était « Le théâtre de la fraternité« . On faisait ce qu’on appelait alors du théâtre de débat. On évoquait des sujets très différents. On a parcouru les 45 provinces du pays. J’ai, on le dire, une formation de comédien de brousse (rire).

DiverCicte.be : votre famille aimait déjà le théâtre ?

Etienne Minoungou : À l’époque de mon enfance, avant que les paroisses ne se mettent en place, dans les communautés où là le catholicisme s’implantait, on était formé pendant deux ans à la lecture de la Bible et à son exégèse.  J’ai appris le théâtre en dehors des rituels dramaturgiques dans différentes cérémonies comme les funérailles et les mariages ou encore les récoltes. Mon père, quand il s’adressait à sa petite communauté de chrétiens, avait une façon de se tenir, de dire et de parler qui a certainement influencé mon rapport  à la parole.

Divercite.be : Pourquoi avoir quitté le Burkina Fasso ?

Etienne Minoungou : Pour une femme « qui prend une femme prend le pays » comme on dit. Je suis d’abord arrivé à Paris, car elle travaillait à l’Organisation Internationale de la Francophonie. On est y restait quatre ans, puis elle a voulu réintégrer l’ULB qui est son université d’origine. Nous avons emménagé directement à Schaerbeek. En 2000 ou 2002, moi qui étais enseignant avant cela, j’ai décidé de me lancer dans le théâtre et j’ai créé une compagnie qui est basée à Ouagadougou, la compagnie Falinga. Un outil pour moi dans ma pratique théâtrale. Avec cette compagnie, je pouvais travailler, car ici je n’ai pas pu pendant longtemps.

DiverCite.be : Comment avez-vous découvert le texte de Feldwine Sarr ?  

 Etienne Minoungou : C’est une commande. Felwine est un ami, un grand écrivain. Un intellectuel sénégalais, professeur d’économie et d’Histoire des religieux. Il est aussi musicien et je l’avais invité à Ouagadougou en 2016. Il venait de sortir un livre qui a eu un immense succès qui s’appelait : «Afrotopia» et qui a eu un écho éditorial extrêmement important. C’était une vision, une pensée qui part du continent africain pour interroger à la fois l’histoire et la place du continent africain dans le monde. Nous avons eu une vraie connexion. Ensuite, nous avons échangé quelques temps puis Patrick Colpé, le directeur du théâtre de Namur, m’a dit «on ne demanderait pas un texte à Felwine ?». Lorsque la demande lui a été faite, il a répondu « je veux bien écrire un texte, mais alors ce sera pour Etienne » (rire). Voilà comment cela a commencé.

DiverCite.be : Avec quelle finalité ce texte a-il été rédigé ?

 Etienne Minoungou : Nous voulions parler aux jeunes africains et à la diaspora. C’était vraiment l’idée. Lui adresser une parole dans ces moments assez compliqués que nous traversons et où la parole a été prise sur les sujets les plus variés possibles, sans aucune compétence critique. Parfois, avec une dimension d’endoctrinement très sévère qui radicalise de plus en plus les jeunes. Vous prenez les youtubeurs, les  Tik tokeurs… ils chargent l’histoire à la fois de façon tout à fait fausse, mais manipulatrice aussi. Cela en fait une jeunesse qui est très politisée, très conscientisée, mais qui n’a pas non plus le recul nécessaire. On ne peut pas se taire et laisser les abrutis abrutir davantage.

Divercite.be : Patricia Ide, pourquoi avoir voulu programmer ce spectacle au Public ?

Patricia Ide :  J’ai vu le spectacle à Namur. Je suis sortie de là souriante, apaisée. Je me suis dit que cela faisait du bien d’entendre parler comme ça. Même quand j’en reparle, ça m’émeut encore parce qu’il y a quelque chose qui se passe. C’est comme si Etienne parlait une autre langue, mais dans ma langue. Avec Etienne, on a joué ensemble et donc je le connais bien.

Divercite.be : Un texte aux multiples langages ?

Patricia Ide : « Traces », c’est un texte qui a rencontré un artiste et je ne vois qu’ Etienne pour le dire et le partager. J’ai envie de dire qu’il a le taux de pénétration nécessaire pour toucher les gens qui sont en face de lui et qui l’écoutent parce qu’il a de l’expérience. On l’écoute, c’est quelqu’un qu’on écoute vraiment. Lui-même est apaisé,  pas tout le temps, mais en tous les cas, pendant qu’il fait le spectacle. Il n’est pas là pour faire une performance, il a envie de nous apaiser pour qu’on entende, pour qu’on écoute et pour que cela soit accessible à différentes générations.

Divercite.be : Est-ce une pièce capable de faire bouger les lignes ?

Patricia Ide : Il y a quelque temps, j’avais été invitée à un mariage avec des gens que je ne connaissais pas et de toutes générations. À un moment, les gens parlent de la restitution des œuvres d’art du musée de Tervuren et je sentais la discussion crispée. Les gens n’arrivaient plus à communiquer, tous étaient braqués sur la question. Comme le dit Etienne, l’histoire qui nous a été inculquée dans nos écoles est ou fausse ou pas du tout communiquée. Il y a énormément de fausses pistes. Quand tu es dans une situation comme celle que j’ai vécu à ce mariage, tu te dis qu’il n’y a pas d’issue et que cela n’avancera jamais. Mais avec « Traces », il y a une piste de sortie, il y a des fenêtres, il y a des gens qui parlent, qui écrivent, qui travaillent pour que cela avance. Yes we can.

Réservation et plus d’infos ici

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