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C’est un long entretien que Robert O’Neill a accordé au Journal du Dimanche (le JJD-lire ici) quotidien français. Ce tireur d’élite, qui surprit Oussama Ben Laden au saut du lit, le 2 mai 2011 avant de lui tirer une balle dans la tête, se dit en colère et triste face à la situation chaotique de ces dernières heures à Kaboul.
Robert O’Neill est très connu aux Etats-Unis. Décoré à 52 reprises, il est l’un des vétérans américains les plus honoré de l’histoire de son pays. C’est aussi un soutien indéfectible de Donald Trump et donc un critique acerbe de Joe Biden.
11 septembre 2001- 15 aout 2021
Vingt ans après les attentats à New-York et la guerre déclenchée contre Al Quaïda, l’ex-militaire affirme que le retrait aurait dû être fait en 2005 en positionnant les forces armées américaines en dehors de l’Afghanistan. Privilégiant ainsi un soutien aérien suffisant, selon lui, pour éliminer les terroristes : « parce qu’on les a vus franchir la frontière avec le Pakistan, on savait où ils étaient, il fallait juste leur balancer quelques bombes ».
Une mission américaine qui a perdu de son sens premier. Eliminer Al-Qaïda était la feuille de route des militaires envoyés sur place. Imposer une « Nation Building » reste une erreur que commettent nombre de pays Occidentaux en Asie, en Afrique ou dans certains pays musulmans. Les Afghans n’étaient pas demandeur et les talibans certainement pas.
« Nos téléphones, oui, notre façon de vivre sur le plan des mœurs, sûrement pas. »
Robert O’Neill regrette le sort qui est réservé aux Afghans qu’il a vu souffrir pendant tant d’années. Il relève également l’erreur américaine de ne pas voir vu arriver la situation qui aujourd’hui voit le matériel militaire américain entre les mains des talibans : « On leur laisse tout, notre matériel, nos armes, nos blindés légers, nos hélicoptères dont ils ne savent pas se servir, pas encore. »
Le militaire reconnait ne pas avoir été surpris par la rapidité de la prise de Kaboul. Pour lui, Joe Biden n’a pas écouté les membres du Pentagone qui lui conseillaient une autre stratégie (Biden a démenti jeudi dans une interview à la télé américaine, NDLR). Il reconnait également qu’il n’y a pas eu de combat parce que les soldats afghans n’ont pas voulu la confrontation.
Robert O Neill garde en mémoire cette réflexion des talibans : « Vous, les Américains, vous avez l’heure, et nous on a le temps. »
Ils savaient qu’ils gagneraient et c’est fait.
Les américains ont entrainé des hommes pour constituer une armée afghane mais l’ex-militaire relève : « c’était un peu comme vouloir essayer que votre gamin vous donne un coup de main (…) ceux qui ont eu affaire aux militaires afghans ne peuvent avoir été surpris, tous les gradés qui ont fait comme s’ils étaient surpris alors que notre pays a entraîné une armée afghane pendant vingt ans, deux fois plus nombreuse que les talibans, et que ces derniers l’ont emporté en huit jours à peine, c’est qu’ils sont de mauvaise foi ». Lorsqu’il commente la désertion de l’armée afghane face aux Talibans, Robert O’Neill avance également l’argument de la corruption. Les Talibans, riches de leurs trafics en tous genres, dont celui de l’opium, ont arrosé généreusement des hommes dont est composée l’armée afghane, pour garder l’inertie pendant la prise de Kaboul. Quant au président Ashraf Ghani « Dont la fille vit tranquillement dans un superbe loft de Brooklyn et où elle étudie l’art, quand il s’est enfui, ils ont eu un mal fou à fermer les portes tellement l’hélico était plein de cash! »
On a dû effectuer beaucoup d’opérations inutiles parce qu’un gradé cherchait à être promu. La triste vérité, c’est que beaucoup d’hommes sont morts pour rien.
Les images d’hommes et de femmes tentant de fuir le pays devant les grilles de l’aéroport de Kaboul ont fait le tour du monde. Elles choquent profondément l’opinion publique internationale. Ces images rappellent la débâcle de Saïgon. « On est allé en Iraq parce qu’un gars était en colère et qu’un autre voulait symboliquement tuer son père (Georges Bush, NDLR). Et dès que les tours du World Trade Center sont tombées, le Pentagone planifiait l’invasion de l’Irak. Parce que la guerre est toujours synonyme de « Big money », de beaucoup d’argent. »
Quant à la question de savoir si l’Amérique pourrait s’aventurer dans une autre guerre, Robert O’Neill n’y croit pas. Pas pas avant longtemps ! Qui voudrait aujourd’hui être une source pour les Américains, risquer sa peau pour un pays qui va vous laisser sur le carreau? Ce n’est pas seulement un désastre pour les Afghans, c’est aussi un désastre pour l’avenir de la politique étrangère américaine. C’est comme si on revenait à la case départ, au 11 septembre 2001.
Beaucoup de vérités, mais un peu trop tôt pour se faire une opinion définitive. Il faut se rappeler que c’est l’administration Trump qui a mis en route cette évacuation bordélique. Biden aurait pu s’assurer que les conditions étaient remplies pour sortir en bon ordre. Il faudra attendre quelques mois pour en savoir plus.