Et si Gérard s’appelait Karim ?

Depuis le 7 décembre dernier, le feuilleton Gérard Depardieu défraye l’actualité en France, mais aussi dans certains autres pays à travers le monde, tant l’acteur est une personnalité populaire. Tout commence lorsque la chaîne de télévision France 2 diffuse un numéro de l’émission Complément d’enquête consacré à l’acteur lors d’un voyage en Corée du Nord. Nous sommes alors en 2018. À un moment précis du film, nous pouvons l’entendre tenir des propos sexuels explicites et grossiers en présence d’une interprète coréenne. Mais ce qui choquera indéniablement le téléspectateur, c’est la sexualisation qu’il fait d’une petite fille qu’il observe alors qu’elle fait de l’équitation dans un manège. 

L’immense comédien dont le génie d’acteur a bercé nos plus grands moments cinématographiques n’a quand même pas osé aller jusque là ? Le Depardieu des Valseuses, de Cyrano, de la Chèvre, d’Obélix, de Sous le soleil de Satan… et tant d’autres films. Un acteur qui peut tout jouer, absolument tout comme aucun autre dans le cinéma français et probablement mondial à égalité avec Robert de Niro. Depardieu, c’est la revanche d’un enfant issu d’une famille «difficile», dans une ville banale de l’Indre, Châteauroux, qui côtoie, alors qu’il n’a que 26 ans, un Patrick Dewaere (déjà torturé) sous l’œil de la caméra de Bertrand Blier qui fera de lui l’acteur incontournable du cinéma français.

On peut rire de tout, on peut faire virevolter la dérision comme un torchon en fin de soirée avec un coup dans le nez lorsqu’il ne reste plus rien sur les tables, mais toucher, de cette manière, à l’innocence d’une enfant, caméra au vert, est d’un pathétisme qui n’a d’égal l’écœurement que le regard porté sur la petite fille a fini d’achever.

Le choc de ce que nous avons entendu passé, reste la colère et la condamnation des propos qu’on ne peut imaginer qu’unanime. Comment croire le contraire ? C’est une petite fille dont on parle. Une enfant qui n’a pas demandé à ce qu’on la filme et à ce que soit commenté, même par le grand Gérard, ses prestations hippiques. La colère donc et l’indignation, sauf que très vite, des barricades se sont formés pour crier au scandale. On ne touche pas à l’icône, on ne touche pas à la légende, on ne déboulonne pas le héros national, pas touche à Depardieu, la gloire française.

Le président Emmanuel Macron, lui-même, vole au secours du «Monument». Regrettant que Depardieu  (accusé de viol en 2020 et accusé de harcèlement sexuel et d’agression par plus d’une douzaine de femmes) soit la cible d’une « chasse à l’homme ». Il se dit grand admiratif du comédien, alors qu’il était interrogé le mercredi 20 décembre sur France 5, lors d’une interview.

Si sa Ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, compte étudier la possibilité du retrait de sa Légion d’honneur, la plus haute distinction d’État française reçue il y a 30 ans, Macron a déclaré : «  La Légion d’honneur est un Ordre qui n’est pas là pour faire la morale », avant d’ajouter « La présomption d’innocence fait partie de nos valeurs. » Certes, Gérard Depardieu est présumé innocent des accusations portées par des femmes à son encontre mais, à l’heure de la rédaction de ce texte, il faut rappeler qu’en 2017 le Président français avait retiré la Légion d’honneur au producteur américain Harvey Weinstein après une série d’accusations de harcèlement sexuel et de viol. A voir s’il le fera si Depardieu était reconnu coupable.

Immense admiration pour un immense acteur !

Mais aussi une levée de boucliers par plusieurs associations féministes. Génération.s Féministe affirme  que les propos de Macron sont « une insulte » à toutes les femmes qui ont subi des violences sexuelles, « en premier lieu celles qui accusent Depardieu ». Les propos du président étaient « non seulement scandaleux, mais aussi dangereux », a déclaré Maelle Noir, de l’association Nous Toutes.  « Entre nous et le président, il n’y a pas seulement un fossé, mais un abîme béant » ajoute-t-elle.  Le journal de gauche Libération reconnait que Macron, en prenant publiquement fait et cause pour Depardieu, « sombrait dans l’indécence ».

Les défenseurs de l’acteur estiment qu’il a trop de talent pour l’incriminer. Quand on est Gérard Depardieu, on peut dépasser les limites. Carole Bouquet indignée dans l’émission « Quotidien » face à Yann Barthès, affirme « j’ai vécu avec Gérard pendant 10 ans et je sais qu’il est incapable de faire du mal à une femme ».

Un homme possède mille et une facettes. Capable d’être celui qu’on attend de vous le jour et devenir autre la nuit. L’actrice ne devrait pas l’ignorer. Toute comparaison gardée, Dino Scala, le violeur de la Sambre, était marié, père de 5 enfants, entraineur de foot et violeur depuis 30 ans. Un « monsieur tout-le-monde » qui a agressé et violé plus de 50 femmes.

On donne au riche, on s’émeut des puissants…

Si Gérard s’appelait Karim ? Si Karim avait été celui qui, sous la caméra du réalisateur Yann Moix, avait tenu ces propos grossiers, indigestes, d’une vulgarité manifeste, Macron aurait-il, de la même manière, le regard rieur et la voix claire pour soutenir le talent au détriment de la morale ? Pour ma part, j’en doute profondément.

 

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