C’est à Alger, en 1977, que Ludovic-Mohamed Zahed voit le jour. Il est le deuxième garçon d’une famille de trois enfants. Il se dit enfant timide et un peu efféminé. A huit ans, il réalise « Je suis entre les deux : un peu fille, un peu garçon ». Ses parents partent pour la France rapidement après sa naissance mais rentrent en Algérie dans les années 1990, en pleine guerre civile, pendant la terrible « décennie noire ».
Plus tard, il rejoint les courants salafistes qui selon lui paraissent plus piétistes et quiétistes que les Frères musulmans, plus politisés. C’est donc, à Kouba, un quartier populaire d’Alger connu pour être le fief des membres du FIS (Front Islamique du Salut) qu’il apprend le Coran. Il quitte ce groupe religieux fondamentaliste à 17 ans en même temps qu’il découvre son homosexualité. C’est à la même période qu’il tombe amoureux de l’homme qui lui enseigne le Coran depuis ses douze ans dans une mosquée de la capitale algérienne.
Foi en Dieu et amour pour un homme ?
Ludovic-Mohamed Zahed a du construire sur cet oxymore. Précurseur qui très tôt a œuvré pour une reconnaissance de son identité profonde, il choisit d’étudier l’anthropologie du fait religieux et la psychologie sociale des religions. Devenu iman, il fonde la première mosquée inclusive d’Europe mais sera également membre fondateur du réseau interreligieux LGBT GIN-SSOGIE ainsi que du réseau international INIMUSLIM (International Network for Inclusive Muslims). Séropositif au virus du Sida depuis l’âge de 19 ans, il devient membre du «Réseau des théologiens vivant avec le VIH». A 23 ans, il met sur pied l’Association des musulmans homosexuels de France.
Après la rédaction de ses deux thèses sur l’identité LGBTI et l’islam il découvre le bouddhisme, voyage beaucoup puis revient vers l’islam, se demandant « s’il n’a pas jeté un peu vite le bébé avec l’eau du bain». Commence alors un retour prudent «dans une démarche d’émancipation, d’une construction d’une nouvelle représentation en réinterprétant les textes».
Dans son approche nouvelle du Coran il découvre une autre parole.
Pour lui, le livre saint ne condamne pas l’homosexualité. «Il y a des interprétations servant à justifier des préjugés préexistants. L’homophobie n’est pas liée à l’islam. D’ailleurs, aucune loi dans l’Empire ottoman, le plus grand califat musulman du monde, ne condamnait l’homosexualité! Il y a eu une inversion des valeurs au moment où l’Empire ottoman s’est effondré. Le patriarcat, le virilisme, se sont alors imposés.» affirmera-t-il dans un entretien accordé au média suisse 24h en 2019.
Ludovic Mohamed Zahed ne nie pas l’existence de hadiths explicitant la condamnation de l’homosexualité, allant jusqu’à l’appel au meurtre d’hommes pratiquants des rapports homosexuels. Néanmoins, il affirme aussi qu’ils ont été retranscrits par deux compagnons du prophète connus pour être voleurs et menteurs.
Le Coran et la chair
Marié civilement avec un homme, un compagnon sud-africain, il raconte dans le Coran et la Chair, le parcours difficile qui fut le sien. Humiliations, violences (intra-familiale de son père et de son frère) il y révèlera avec beaucoup de justesse que « L’homosexualité (…) n’est pas un choix ; et il faudrait être fou pour choisir d’être homosexuel lorsque l’on vient du milieu socioculturel d’où je viens ». Ludovic-Mohamed Zahed écrira que lorsqu’il fera son coming out à 21 ans, sa mère en restera inconsolable pendant plusieurs mois, mais son père, qui n’avait pour lui que du mépris depuis des années, dira : « C’est comme ça, je comprends, il faut accepter« . Ludovic-Mohamed est à cette époque-là déjà séropositif depuis deux ans.