Rencontre avec Serge Thiry, l’un des gangsters les plus dangereux des années 1980 se met au service de la société

Charleroi, le soleil est chaud, le ciel est limpide, la circulation est fluide et nous arrivons rapidement à l’adresse que Serge Thiry nous a indiquée pour notre rendez-vous. Sur le trottoir nous attend un homme élégant, coiffé d’un panama et dont le sourire est habillé d’une moustache à la Marcel Proust. Il nous invite à monter dans son appartement meublé de manière simple, mais avec goût. D’autres chapeaux, une guitare et des harmonicas sont éparpillés çà et là. Il nous propose un jus de pommes pressé «de l’artisanal, pas de l’industriel », nous précise notre hôte. Nous acceptons et prenons place dans le canapé du salon avec vue sur le flan arrière du Palais des expositions de Charleroi.  Serge Thiry est ce qu’on appelle « un repenti ». Dans le milieu du grand banditisme existent ceux qui ne regrettent rien et ceux qui ont pris conscience, à un moment ou un autre, du mal occasionné et qui décident de rendre à la société ce qu’ils lui ont pris.

Braqueur à main armée, preneur d’otages… la délinquance fut pour Serge Thiry plus un besoin de reconnaissance qu’un besoin d’enrichissement. Tout a commencé dans les années 1960 lorsque Serge n’était encore qu’un tout petit garçon. Il grandit parmi une fratrie de 13 enfants dans la région du Borinage, à Cuesmes plus précisément. Il est l’enfant d’un père mineur « une gueule noire » violant, un habitué du comptoir de la Maison du peuple où une partie de la paye était laissée au tenancier et une mère victime de coups et dépassée par la maternité. Un enfant très vite livré à lui-même.

Ses premiers « coups », cela commence par des petits vols dans la rue, les francs posés dans un récipient au bord de la fenêtre à destination du laitier. Serge prend, sous les yeux ahuris des copains, et il réalise que finalement, il  suffit de cela pour être un héros avéré, vénéré, aimé ! L’amour, Serge n’en a pas eu. Il reconnait aujourd’hui que c’est le moteur de tout. Ses parents voulaient le confier à une autre famille, mais le couple est mort dans un accident de voiture. Serge le répète comme une litanie « un enfant a besoin d’amour, de tendresse, d’affection et je n’ai pas reçu ce qu’un enfant peut espérer de la part de ses parents ». Les souvenirs de l’enfance restent indélébiles « J’ai toujours vu mon père battre ma mère. Il s’est d’ailleurs retrouvé en prison pour tentative de meurtre après lui avoir donné quatre coups de couteau sous mes yeux».  Pour échapper à cette violence, il reste la rue et ses dangers.

 

Un article parut dans la revue française à sensation le " Détective " de juin 1984 après une nouvelle évasion du fourgon cellulaire. J'étais parvenu pour la seconde fois à faire rentrer une arme en prison, malgré toutes les mesures de sécurité
L a presse s’inquiétait de nos conditions de détention après une évasion pendant laquelle j’ai tiré sur 3 surveillants en les blessant sérieusement avec l’arme que j’avais réussi à faire entrer en prison.

« Ma seule échappatoire à cette violence, c’était traîner dans la rue. Voler de l’argent pour acheter des bonbons et les partager avec les copains ». Et pour garder ce statut de mauvais garçon qui fascinait tant, il fallait recommencer. À 13 ans, la police le recherche déjà pour vol de voiture et pour cambriolage : « J’ai connu la maltraitance; chez les scouts j’ai vécu l’abus. Il n’y a que dans la rue que je me suis senti valorisé »

À 14 ans on le place finalement en Maison de redressement (devenu depuis les IPPJ-Institution Publique de Protection de la Jeunesse) mais entrer dans la délinquance est simple, en sortir, par contre, reste d’une extrême difficulté. Après, tout s’enchaine : «À 18 ans, j’ai volé des armes dans un commissariat et je m’en suis servi  pour des braquages dans des hôtels de luxe. »

Un article paru dans la revue française à sensation le  » Détective  » de juin 1984 après une nouvelle évasion du fourgon cellulaire. J’étais parvenu pour la seconde fois à faire rentrer une arme en prison, malgré toutes les mesures de sécurité.

Avec son grand ami de l’époque Mohamed Djedaini ils sont sur la même longueur d’onde. Les idées percolent, la complémentarité se fait une évidence. « Mes amis, dit Serge, ne s’appelaient pas Jean-Paul ou Pierre, mais Mohamed, Rachid, Dino ou Enzo». Avec Djedaini, ils jouent leur vie, mais c’est pour mieux l’incarner. On l’appelle le Mesrine belge, il aura tout fait: les braquages, les prises d’otages, blessant des gardiens, des évasions, 5 en tout ! Si Serge a décidé depuis sa sortie, il y a 19 ans, de mettre de côté sa carrière de bandit, Mohamed Djedaini faisait encore parler de lui en 2020 pour des vols et des coups à l’encontre de sa compagne.

Après 27 ans de prison, Serge obtient sa libération conditionnelle. En 2004, il fonde une  ASBL, Extra Muros  qui « vise à interpeller les jeunes en général, valides ou non, de manière pédagogique, dans des écoles, hautes écoles et universités, des organisations de jeunesse, des IPPJ, des AMO (services d’Aide en Milieu Ouvert) » Il explique l’enfant qu’il était et comme il est entré dans la délinquance. Sur son site internet, la présentation se fait ainsi : « accompagné de ma guitare et de quelques chansons de ma composition, je présente des témoignages qui trouvent leur origine dans mon vécu d’ex-délinquant et de détenu. »

 

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