Caroline Safarian met en voix au théâtre Molière « Balance ton viol » un texte de Pascal Vrebos

Les 1 et 2 septembre prochain, à 20 h, au théâtre Molière à Ixelles aura lieu la lecture spectacle d’une pièce écrite par Pascal Vrebos en 2010 : « Balance ton viol » ou l’histoire d’un viol collectif sur une femme originaire d’Afrique.

La première adaptation avait été l’œuvre de Gérard Adam avant une nouvelle dramaturgie de Caroline Safarian. L’actrice, Yves-Marina Gnahoua, sera sur scène avec Frédéric Dezoteux qui l’accompagnera à la danse et à la contre-basse.

 

 

 

Pour nous parler de cette adaptation, nous avons rencontré Caroline Safarian. Metteuse en scène et autrice de théâtre, elle a écrit plus d’une dizaine de pièces dont la plupart ont été jouées en Fédération Wallonie-Bruxelles. Les plus récentes sont « Ménopausées » jouées en 2019, au Théâtre de Poche ou encore « Les chaussures de Fadi » en 2015 à l’Espace Senghor. Mais on la connait aussi pour « Papiers d’Arménie ou sans retour possible » qui traite de la question de la négation du génocide des Arméniens.

Elle a mis en scène des pièces de théâtre avec des femmes de la prison de Saint-Gilles et a réalisé plusieurs adaptations théâtrales.

Actuellement, elle écrit une nouvelle pièce de théâtre « Rompre » qui traite de la complexité des relations humaines.

Entretien : 

divercite.be : Le spectacle qui sera mis en voix les 1 et 2 septembre prochain s’appelle «Balance ton viol », que raconte l’histoire ?

Caroline Safarian : C’est une lecture-spectacle  sur le viol collectif vécu par une femme, en Italie. Une histoire basée sur des faits réels et écrite par Pascal Vrebos, journaliste belge très connu. Il l’a rédigée en 2010, mais la pièce n’a jamais trouvé d’échos pour être montée. Les gens n’étaient sans doute pas encore prêts à entendre parler de cette problématique. A l’époque, la pièce s’appellerait «Le viol d’une petite cerise noire». J’ai demandé à ce que l’on change le titre parce que je trouve que la honte doit changer de camp. Il faut nommer un chat un chat, « Balance ton viol » est un titre qui  permet de comprendre de quoi le texte parle.

Quand avez-vous découvert ce texte ?

Caroline Safarian : Il y a un an. J’assistais à une lecture de la comédienne Yves Marina Gnahoua, dans le cadre d’un petit festival, et elle m’a demandée si cela m’intéressait de travailler à une mise en scène de ce texte. J’ai dit oui, mais qu’il fallait d’abord passer par l’étape d’une lecture interprétée.

Comment s’articule ce texte ?

Caroline Safarian : Si on part du titre il est «hard» et il fait peur. Mais c’est un texte qui est plein d’espoir, sans concession, cru et en même temps très poétique. Ce n’est pas le récit indécent d’un viol. Au fond, on quitte l’anecdote, même si le viol n’est jamais une anecdote. Quand j’en parle autour de moi, je sens qu’ il y a tellement de femmes qui ont vécu cela. Ce texte peut aider à réfléchir. On pourrait se dire : « Au fond, comment on peut sortir de là ensemble ? »

Pascal Vrebos, l’auteur du texte, a-t-il pu rendre au mieux la sensibilité d’une femme et le drame que peut être un viol ?

Caroline Safarian : Oui, ce texte m’a vraiment touché et je me suis dit : « je n’en aurais pas mieux parlé ». C’est incroyable qu’un homme laisse parler son féminin et écrive un texte comme celui-là. Il est écrit avec une grande sensibilité et beaucoup de délicatesse.

Comment s’est passée votre collaboration ?

Caroline Safarian : Il m’a laissée carte blanche. Le texte était très littéraire et j’ai travaillé sur l’adaptation qu’en avait faite l’écrivain et éditeur Gérard Adam. Pour ma part, j’ai retravaillé  la dramaturgie et j’ai fait la mise en voix.  J’ai travaillé en me disant : «Qu’est-ce que je veux que l’on retienne de cette histoire et comment je vais l’orienter ?».

Un spectacle complet est envisageable ?

Caroline Safarian : Oui et c’est pour cela que l’on teste la lecture, afin de voir comment le public va réagir. Mais c’est clair que j’ai envie de remettre un dossier à la Commission d’aide aux projets théâtraux. Mais ce qui  est intéressant aussi, c’est que ce texte n’a jamais trouvé de théâtre alors que c’est une histoire basée sur un fait réel. Il s’agit dans cette histoire de faits de viols aggravés par du racisme. Le personnage est une femme noire et elle se fait insulter lors de son agression. A ce propos, un sondage a été réalisé par Amnesty international et SOS viol en 2019 montrant que les idées reçues sur le viol persistent et cela notamment chez les jeunes à propos des filles noires qui seraient « plus chaudes », plus vite consentantes pour des relations sexuelles. C’est ce que pensent 23% des hommes et 14% des femmes ayant répondu à ce sondage. Les stéréotypes racistes ont été utilisés durant la période esclavagiste et pendant la colonisation pour minimiser les violences  à l’encontre des femmes noires.

C’est aussi une histoire de résilience ?

Caroline Safarian : Exactement, cette femme finit par épouser un belge et fait des enfants avec lui. C’est quand même extraordinaire de savoir qu’il y a des femmes qui ont cette force incroyable et qui sont exemplaires dans leur humanité.

Quel est l’objectif d’un tel texte ?

Caroline Safarian : On a parfois peur de ce genre de spectacle, mais finalement, je trouve que cela simplifie les rapports femmes-hommes que d’en parler et de nommer les choses. Au-delà de ça, nous prenons, en tant qu’artistes, tout en charge. Le spectateur, lui, finalement, n’a plus qu’à se poser des questions, s’il en a envie.

Ce texte arrive-t-il aussi au bon moment dans votre carrière ?

Caroline Safarian : Il y a 10 ou 15 ans, cela m’aurait fait peur de parler de ce sujet. J’arrive à la cinquantaine et des questions sont résolues dans mon parcours. D’autres questions viennent aussi mais cela dit, j’ai confiance en l’avenir et en la capacité des hommes à désirer profondément le changement, comme nous ! Le virilisme est un fléau pour eux aussi.

Selon vous, les hommes ont-ils tiré des leçons des mouvements comme « Me too » ou « Balance ton porc » ?

Caroline Safarian : Je pense qu’il a plusieurs tendances. Ceux qui n’osent plus rien dire. Ceux qui, au contraire, sont motivés. Et ceux qui sont concernés par ce qu’on est entrain de balancer. Pour ces derniers, je ne sais pas très bien comment ils se positionnent, mais ils doivent probablement se poser beaucoup de questions. En ce qui concerne les femmes de ma génération, nous avons beaucoup joué aux fausses soumises et cela pendant des décennies. J’ai moi même joué ce jeu de la femme soumise qui nous est imposé par la société, encore aujourd’hui, alors que je ne le suis absolument pas. La société nous dit qu’une femme est incomplète si elle est seule, ce qui est faux.  Pour mieux comprendre ce mécanisme, je conseille le livre de Mona Chollet « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » qui parle de la persécution, des féminicides et des massacres de villages entiers de femmes qu’on a décimées.

La génération des femmes qui vous suit est-elle mieux préparée pour gérer le sexisme ou la discrimination ?

Caroline Safarian : J’ai entendu une anecdote intéressante dans une grande institution artistique dont je tairai le nom.  Apparemment, il y avait là régisseur qui posait régulièrement des actes de harcèlements et qui se permettait de commenter la tenue des femmes. La réaction des femmes de mon âge était de rire jaune, un peu mal à l’aise. C’est alors qu’une jeune fille de la vingtaine a scotché tout le monde en lui disant : « Ecoute moi bien, tu continus à me parler comme ça, demain, je porte plainte. » Le gars n’a plus jamais rien dit et c’est une jeune fille de 20 ans qui l’a remis à sa place. Il y a une tolérance zéro de la part des jeunes femmes et  ça, c’est génial.

 

« Balance ton viol » les 1 et 2 septembre à 20 h 15

Théâtre Molière
Square du Bastion, 3 – 1050 Ixelles
Tél. 02.515.64.63

 

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